Muhammadu Buhari, un général à la retraite âgé de 72 ans, est devenu mardi 31 mars le nouveau président du Nigeria, première puissance économique et pays le plus peuplé d’Afrique, à l’issue d’un scrutin historique conclu par une alternance démocratique et pacifique du pouvoir, un phénomène inédit dans ce pays.
Le lendemain de l’annonce des résultats, M. Buhari a rendu hommage au chef de l’Etat sortant Goodluck Jonathan. « Notre pays a rejoint la communauté des nations qui remplacent par les urnes un président en place au cours d’un scrutin libre et honnête », s’est-il félicité, dans sa première allocution depuis son élection.
« Pour moi, c’est vraiment historique », s’est réjoui cet ancien putschiste, qui dirigea une junte militaire pendant deux ans dans les années 1980, avant de se rallier à la démocratie. La victoire de M. Buhari marque un tournant majeur dans l’histoire politique agitée du Nigeria, qui a connu six coups d’Etat militaires depuis l’indépendance, en 1960, et qui a été gouverné par le même parti, le People’s Democratic People (PDP – « Parti populaire démocratique »), depuis la fin des dictatures militaires il y a seize ans.
La Commission nationale électorale indépendante (INEC – Independent National Electoral Commision) a indiqué, dans la nuit du mardi 31 mars au mercredi 1er avril, que M. Buhari, du All Progressives Congress (APC – « Congrès de tous les progressistes »), avait remporté l’élection avec 15 424 921 des voix, soit 53,9 % des 28 587 564 suffrages exprimés. Goodluck Jonathan, 57 ans, du PDP, a obtenu 12 853 162 voix (44,96 %).
Le président sortant reconnaît sa défaite
Ce dernier a d’ailleurs officiellement reconnu sa défaite dans un communiqué : « Je remercie tous les Nigérians, une fois de plus, pour l’immense opportunité qui m’a été donnée de diriger ce pays (…) J’ai transmis mes vœux personnels au général Muhammadu Buhari. »
« J’ai promis à ce pays des élections libres et justes. J’ai tenu ma parole. » M. Jonathan a appelé les Nigérians mécontents du scrutin à le contester par les voies légales, avant d’ajouter : « Aucune ambition personnelle ne vaut le sang d’aucun Nigérian. L’unité, la stabilité et le progrès de notre cher pays sont plus importants que tout le reste. »
Sans tarder, l’Union européenne a « chaleureusement félicité » dès mardi soir la victoire du candidat Buhari. Le président français, François Hollande, a également félicité Muhammadu Buhari et « salué la détermination du peuple nigérian », ainsi que « le sens des responsabilités » du président nigérian sortant.
Lire : Muhammadu Buhari, la victoire du « converti »
Ce serait ainsi la première fois dans l’histoire de cette ancienne colonie anglaise que « l’opposition chasse un gouvernement par la voie des urnes au Nigeria », s’est réjoui Lai Mohammed, porte-parole de l’APC, le parti de M. Buhari, revendiquant mardi soir la victoire dans une ambiance de joie, chants et tambours battants, parmi les leaders du parti réunis à Abuja, la capitale. Pour gagner, M. Buhari a bien entendu pu compter sur les voix des électeurs originaires des Etats musulmans du nord du pays. Mais pas seulement.
Réputation d’intégrité
Il a aussi dominé le président sortant dans l’Etat de Lagos, le cœur économique du pays et l’Etat le plus peuplé, ainsi que dans plusieurs Etats du Sud-Ouest. Au total, il a ainsi remporté 20 Etats, contre 15 au président sortant (les résultats de l’Etat de Borno étaient encore attendus mercredi matin, mais ils ne pouvaient pas inverser la tendance). Jusqu’au dernier moment, les Nigérians ont redouté que le processus électoral dérape. Les islamistes de Boko Haram, qui depuis des mois mettent le nord du pays à feu et à sang, avaient en effet promis de torpiller ce scrutin « impie ».
La précédente élection présidentielle, en 2011, marquée par la mort de plusieurs centaines de personnes, incitait également à la prudence, malgré l’appel au calme lancé quelques heures avant la fin du dépouillement par les deux principaux candidats. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient également mis en garde les différents protagonistes du scrutin contre toute tentative de fraude destinée à inverser le choix des électeurs. Mardi soir, les célébrations demeuraient donc empreintes d’une certaine réserve dans l’attente de la confirmation officielle des résultats.
Muhammadu Buhari, fort de sa réputation d’intégrité et de militaire à poigne – souvenir de son passage au pouvoir dans les années 1980 – a promis de rompre avec la passivité du pouvoir précédent vis-à-vis de Boko Haram, et de lutter contre un autre mal endémique, la corruption.