Plusieurs milliers d’étudiants ont encore défilé mardi dans plusieurs villes d’Algérie contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. Ils ont rejeté ses promesses de réformer et de ne pas aller au bout de son éventuel nouveau mandat.
Tandis que les étudiants manifestaient, le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, a averti que celle-ci serait la garante de la «sécurité» et la «stabilité» face à ceux – qu’il n’a pas nommés – qui veulent ramener l’Algérie aux années de guerre civile (1992-2002), qui a fait officiellement 200 000 morts.
«Les années de braises»
Dans un discours à l’académie militaire de Cherchell, à 80 km d’Alger, il a accusé la contestation d’être le fait de «certaines parties» «dérangées de voir l’Algérie stable et sûre» et désireuses de ramener le pays aux «années de braises».
Le général a également appelé les Algériens «à s’ériger en rempart contre tout ce qui pourrait exposer le pays à des menaces aux retombées imprévisibles». Face aux manifestations, le camp présidentiel a mentionné à plusieurs reprises le risque d’un retour du pays aux «années noires», auxquels M. Bouteflika est crédité d’avoir mis fin.
Ces menaces ne semblent pas avoir fait fléchir les manifestants. »Hé Bouteflika, il n’y aura pas de 5e mandat» ou «Ramenez les commandos de l’armée et la BRI (unité d’intervention de la police), il n’y aura pas de 5e mandat», ont notamment chanté les étudiants toute la journée dans le centre d’Alger, applaudis par des passants et soutenus à coups de klaxons par les automobilistes.
Evacuations sans heurts
Sans incident, des cortèges de milliers d’étudiants parfois accompagnés de leurs professeurs ont également défilé à Oran, Constantine et Annaba, les trois plus grandes villes du pays après Alger, ont constaté des journalistes de médias algériens sur place. Des manifestations importantes se sont aussi déroulées à Béjaïa, Tizi-Ouzou et Bouira, principales villes de Kabylie (nord), ainsi qu’à Blida (nord), Sétif (nord-est) ou Tlemcen (nord-ouest), selon les médias algériens.
A Alger, où les manifestations, interdites depuis 2001, sont désormais quasiment quotidiennes depuis dix jours, les étudiants des différentes universités de la ville ont défilé toute la journée à l’intérieur d’un périmètre bouclé par les forces de l’ordre.
La police, déployée en nombre, a laissé faire. Elle s’est contentée de faire évacuer sans heurts en fin d’après-midi la place de la Grande-Poste, devenue une immense agora de milliers de personnes. Elle a aussi évacué une avenue non loin, que les Algérois avaient transformée en longue promenade.
«Non, c’est non!»
Le président Abdelaziz Bouteflika, 82 ans et affaibli depuis 2013 par les séquelles d’un AVC, est la cible d’une contestation inédite depuis son élection à la tête de l’Etat il y a 20 ans. Les manifestations ont été déclenchées par l’annonce de sa volonté de briguer un cinquième mandat lors de la présidentielle du 18 avril.
Sa candidature a été assortie d’engagements destinés à calmer la colère: ne pas aller au bout de son mandat et quitter le pouvoir après une série de réformes profondes notamment. Mais ses promesses n’ont pas réussi à apaiser la contestation. «Non, c’est non! Il n’a pas compris le message du peuple? On va lui faire comprendre aujourd’hui et encore plus vendredi», journée de mobilisation massive ces deux dernières semaines, assure Selma, étudiante en mathématiques à Alger.
Toute la caste dirigeante est visée
Wassim, 22 ans, étudiant en informatique, a comparé le chef de l’Etat «à un mari qui bat sa femme et, alors qu’elle demande le divorce, lui demande de rester un an de plus, le temps qu’il lui trouve un nouvel époux». Mais au-delà de M. Bouteflika, c’est l’ensemble de la caste dirigeante qui est visé par les manifestants. «Dites aux voleurs que nous n’allons pas nous taire», scandent-ils.
Le président algérien a été hospitalisé à Genève il y a près de dix jours, officiellement pour des «examens médicaux périodiques». Son retour n’a toujours pas été annoncé.
letemps.ch