Début septembre, un hashtag ##WomenInSTEMInspire appelait les femmes scientifiques africaines à partager leur parcours et leurs défis sur Twitter. Initié par la Sénégalaise Aîssatou Aïcha Sow, cette campagne a eu du succès bien au-delà des frontières du Sénégal. Elle vise à déconstruire les mythes entourant ces domaines souvent réservés aux hommes selon des stéréotypes.
Des parcours inspirants, des défis relevés, des expériences riches et diversifiées, les femmes évoluant dans le domaine des sciences de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) ont prouvé que le genre importe peu tant qu’on a la volonté et la passion.
De la difficulté d’évoluer dans un environnement dominé par des hommes aux challenge d’embrasser un domaine totalement nouveau, nombreux sont les défis auxquels les Africaines font face pour trouver leur place dans les sciences. Cinq femmes scientifiques africaines partagent avec BBC Afrique leurs préoccupations. D’autres ont préférés ne pas être citées pour diverses raisons malgré leur participation à la campagne.
Aîssatou Aïcha Sow, candidate au PhD en virologie et immunologie.
Jamila Bashir, médecin, État de Kano, Nigeria
Je suis médecin et je travaille actuellement comme médecin résident à l’hôpital universitaire d’Aminu Kano, dans le département de médecine interne. Je suis titulaire d’une maîtrise en physiologie humaine. Dans le cadre de ma thèse pour l’obtention de la maîtrise en physiologie humaine, j’ai mené une recherche, la première du genre dans mon pays. J’ai effectué un dépistage du diabète et de ses complications, y compris une évaluation cognitive. Les personnes dont le problème a été détecté ont toutes été enregistrées dans un centre de santé. Je les consulte une fois par semaine.
Comme nous le savons tous, il y a plus d’hommes dans le domaine des STEM dans le monde entier, et pas seulement au Nigeria. Cela peut être dû à de nombreuses raisons. Au Nigéria et en Afrique, les femmes sont moins instruites pour des raisons culturelles et même parmi les personnes instruites, nous sommes moins nombreuses dans les STEM. Ceux d’entre nous qui sont arrivés dans le secteur des STEM ont encore des défis à relever dans ce domaine.
C’est dur d’être femme et médecin
En tant que scientifique, médecin, mariée et mère de deux enfants, je connais et ressens la dureté de la profession de médecin. Premièrement, nous travaillons les mêmes heures que les hommes et nous effectuons un travail supplémentaire à la maison pour prendre soin de nos familles. Ce qui fait que nous avons du mal à faire face au stress du travail.
Deuxièmement, nous, les femmes, tombons enceinte, accouchons, partons en congé de maternité (donc absentes du travail/de la formation pendant des mois) et on attend toujours de nous que nous passions les examens que nous faisons pendant notre formation avec les hommes en même temps, ce qui n’est pas drôle pour nous. Nous devons donc travailler très dur pour pouvoir rattraper notre retard et réussir aux examens.
Comme notre culture ne voit pas d’un bon œil les femmes dans les STEM, le patient que nous consultons pense souvent que nous ferons moins bien notre travail que les hommes et préfère donc être vu par un homme médecin, sauf dans quelques circonstances comme lorsqu’il s’agit d’un cas d’obstétrique et de gynécologie où la plupart veulent être vus par une femme médecin. Certains patients pensent qu’en tant que femme, vous ne pouvez pas être médecin, vous ne pouvez être qu’infirmière. Plus de 90 % des travaux administratifs des hôpitaux sont dirigés par des hommes, ce qui fait que les règles générales ne tiennent pas compte des difficultés que rencontrent les femmes dans ce domaine.
Malgré tous ces défis, les femmes réussissent très bien dans ces domaines
Fatou Juka Darboe, technicienne de maintenance et entrepreneur, Gambie
Je suis une technicienne de maintenance et copropriétaire de Make3D Company Limited, la première et la seule entreprise commerciale d’impression en 3D de la Gambie. Make3D a été l’une des entreprises phares dans la lutte contre le Covid19 en Gambie. En collaboration avec l’unité du Medical Research Council of The Gambia et à la London School of Hygiene & Tropical Medicine, nous avons produit et testé des équipements de protection, de laboratoire imprimés en 3D dans le cadre de la lutte contre la pandémie en Gambie.
En 2017, j’ai obtenu mon diplôme à l’Institut de formation technique de la Gambie (GTTI) après avoir suivi une formation de technicien en génie mécanique, électrique et électronique appliqué. Pendant trois (3) ans, j’étais la seule femme à suivre ce cours. Aujourd’hui, je m’efforce de briser l’énorme écart entre les sexes et les stéréotypes dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques dans mon pays.
L’un de mes principaux objectifs est d’atteindre le plus haut niveau possible dans mon domaine d’études, de fournir des emplois et d’inciter davantage de jeunes femmes à suivre des cours de leur choix dans des domaines à dominante masculine.
« Tu es technicienne, tu fais un métier d’homme »
Certains des défis que je ressens en tant que femme technicienne sont liés au regard des personnes extérieures qui lorsqu’elles me voient avec mes collègues hommes ne me considèrent pas comme une technicienne. Pour ces gens, c’est un métier d’homme.
Dans mon pays, il y a très peu de femmes techniciennes plus âgées pour du mentorat. Les inconvénients c’est surtout lorsqu’il y a des emplois de nui, il est très difficile pour une technicienne de dormir dans les mêmes espaces que les hommes car les hommes peuvent tout simplement dormir tous ensemble sans problème
Agang K Dithogo, ingénieure informatique, Bostwana
Je suis titulaire d’une licence en systèmes d’information informatique de l’université du Botswana. J’ai passé dix ans dans le secteur des TIC pour le développement. Je suis passionnée par l’éducation et je suis la co-fondatrice de The Clicking Generation-ICT Academy for Kids and Teens, une entreprise sociale qui propose des programmes d’informatique et de technologie aux enfants et aux adolescents des zones rurales et urbaines du Botswana.
En tant que défenseur des TIC, je travaille sur les questions de connectivité et d’accès à l’internet. Je suis actuellement experte nationale pour l’organisation du prix du Sommet mondial des Nations unies. J’encourage les jeunes Botswanais dans le domaine des technologies de l’information sur les questions d’innovation et de création de contenu électronique.
J’étais membre du conseil d’administration de l’Académie des sciences du Botswana. J’ai travaillé avec ONU Femmes en tant que stagiaire sur des programmes visant à encourager la participation des femmes et des jeunes filles dans les STEM et d’autres industries dominées par les hommes.
En tant que membre de Energy & Internet Fellow chez Tetra Tech, j’ai notamment développé des stratégies de connectivité et d’accès à l’Internet pour les communautés marginalisées. Je travaille en étroite collaboration avec les parties prenantes concernées pour mettre en œuvre des programmes de TIC dans tout le Botswana et la SADC.
Combattre les stéréotypes et préjugés sociaux
Les femmes évoluant dans le domaines des STEM font face à d’énormes préjugés et à des stéréotypes sociaux. Nos foyers, nos écoles et nos lieux de travail ne sont pas structurés de manière à encourager l’innovation chez les femmes et les jeunes filles. Le manque de modèles est également un facteur qui explique le faible nombre de femmes dans les domaines des STEM. Les femmes ne sont pas inférieures ; nous avons besoin de plus de soutien par des efforts intentionnels d’équité et la création d’espaces qui accueillent les femmes.
bbc.com