C’est un véritable électrochoc que le ministre de l’Enseignement supérieur, Elhadj Abdourahmane Diouf, a déclenché en exposant, sans détour, les failles structurelles de l’université sénégalaise. Oubliée l’image d’un secteur saturé : avec 286 169 étudiants (souvent arrondis à 300 000), le Sénégal reste encore loin des effectifs nécessaires pour porter le développement du pays. Le contraste est saisissant : 2 495 enseignants-chercheurs seulement, pour 9 universités publiques (dont Rose Dieng en émergence), 2 nouvelles à venir à Matam et Tambacounda, 63 facultés, 233 départements, 2 écoles autonomes, 6 ISEP fonctionnels et 8 supplémentaires déjà financés. Tout cela pour un objectif clair : transformer l’Enseignement supérieur à l’image de la vision présidentielle.
Mais le tableau se corse. L’université sénégalaise, malgré son expansion apparente, peine à remplir ses promesses. Le pays compte 62 filières professionnelles, 288 établissements privés – un nombre vertigineux – mais la qualité ne suit pas toujours. Les 6 bibliothèques nationales offrent seulement 4 804 places, bien en deçà des besoins. En matière de vie étudiante, le Sénégal dispose de 6 CROUS, 1 COUD, 266 567 lits disponibles, 31 restaurants avec 19 477 places, et 30 millions de repas servis par an, pour un coût global de 45 milliards de FCFA, dont 40,5 milliards sont subventionnés par l’État. Les étudiants, eux, ne couvrent que 4,5 milliards. Une mécanique de soutien massive, mais de plus en plus questionnée.
Et le choc vient des chiffres de performance : seuls 16,91 % des étudiants obtiennent un diplôme dans les trois premières années. Moins de 2 sur 10. En face, 23,44 % abandonnent dès la première année. Des milliers de jeunes, soutenus par l’État depuis le primaire, quittent le système sans aucune qualification. Le constat est amer : orientation inadaptée, environnement d’apprentissage dégradé, manque de suivi. « Ce n’est pas qu’un problème de budget, c’est un problème de modèle », assène le ministre. La question est brutale : à quoi bon investir autant si les résultats restent aussi faibles ?
Le message est clair : le temps du saupoudrage est révolu. L’État doit désormais revoir en profondeur le modèle économique de l’université. Il ne s’agit plus de construire pour construire, mais de rationaliser chaque franc du contribuable. L’ANTESRI, l’agenda de transformation de l’enseignement supérieur, ne sera pas dirigé par le ministère seul. Une démarche participative et rigoureuse, lancée ce 17 juillet par le président de la République, marquera une nouvelle ère. Car le Sénégal ne peut plus se permettre de former sans qualifier, de financer sans rendement.