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Université américaine de Beyrouth: « Nous voulons que l’université nous écoute, pas qu’elle demande aux FSI de nous attaquer »

Université américaine de Beyrouth

Les étudiants de l’AUB dénoncent la hausse significative des frais universitaires et appellent à une plus grande transparence financière de la part de la direction.

Pour la deuxième fois en dix jours, des dizaines d’étudiants de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) se sont fait réprimer par les forces de l’ordre, alors qu’ils protestaient contre la hausse significative des frais universitaires, dans un contexte de forte dévaluation de la livre libanaise. Des échauffourées ont éclaté en début d’après-midi entre certains étudiants et les forces de l’ordre aux différentes portes d’entrée de l’AUB. Les policiers n’ont pas hésité à s’en prendre violemment aux jeunes manifestants.

« Les Forces de sécurité intérieure (FSI) étaient stationnées à l’intérieur de l’université dès 10h et nous attendaient à chaque entrée. Les policiers ont commencé à nous bousculer et nous frapper avec des matraques, ils nous ont crié dessus et insultés », témoigne une jeune femme inscrite en 2e année de génie informatique, sous le couvert de l’anonymat. La manifestation avait commencé dans le calme à 11h, avant de dégénérer quelques heures plus tard, lorsque les forces de l’ordre ont empêché les manifestants d’entrer sur le campus.

« Il y avait même un camion de pompiers pour nous arroser, au cas où. Ils veulent montrer une image négative de nous, dire que nous sommes violents et que nos manifestations ne sont pas pacifiques », ajoute cette étudiante de 20 ans. « Nous voulons que l’université nous écoute, pas qu’elle demande aux FSI de nous attaquer. Il y a un besoin de transparence financière pour comprendre comment notre argent est utilisé. Au lieu de cela, on nous ignore et on nous agresse », ajoute-t-elle.

Les étudiants de l’AUB contestent l’indexation des frais universitaires au taux de 3 900 livres libanaises pour un dollar à partir du 1er janvier 2021, au lieu du taux officiel de 1 500 livres en vigueur jusque-là. En annonçant le passage à une indexation du dollar, début décembre, le président de l’AUB, Fadlo Khuri, avait assuré que l’université allait, parallèlement, accroître le budget d’aides aux étudiants. Loin d’être suffisant pour les étudiants. Pour mémoire « Ils veulent transformer l’AUB en un lieu élitiste »

Il y a une dizaine de jours, quelques centaines d’étudiants s’étaient ainsi déjà rassemblés à Beyrouth, dans le quartier commerçant de Hamra, à l’occasion d’une « journée de la colère » organisée pour protester contre la hausse des frais d’étude au sein de cet établissement, ainsi que dans d’autres universités privées. Ce jour-là avait été particulièrement violent, les protestataires ayant été notamment arrosés de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre.

Une augmentation de 160 %

Jad Hani, étudiant en économie et vice-président du comité estudiantin, explique que le nouveau taux d’indexation sera appliqué à tous les paiements, même ceux contractés avant le 1er janvier 2021 et non remboursés jusqu’à présent. « Tout devra être payé au taux de 3 900 LL, même les retards dans le règlement des frais universitaires ou les échelonnements qui étaient calculés sur base de 1 500 LL le dollar. Les frais ont augmenté de 160 % », assure-t-il.

Jad Hani dénonce par ailleurs la violence policière et le déploiement massif des forces de l’ordre autour de l’université. « On voulait entrer sur le campus. Les FSI nous en ont empêchés et nous ont bousculés. Nous nous sommes déplacés d’une entrée à l’autre à chaque fois que cela devenait violent. Ils sont en train de nous montrer leur vrai visage », estime cet étudiant, qui fait état de « 4 blessés légers, mais dont certains ont été frappés à la tête ». « Il y avait l’armée, les FSI, les renseignements… Tout un dispositif de sécurité incroyable ! » dénonce-t-il.La colère des étudiants s’explique par le fait que ces derniers ont été pris au dépourvu par la décision récente de l’AUB d’augmenter ses frais, déjà plus élevés en général que ceux des autres universités privées. Nombreux sont ceux qui contractent des prêts, s’endettent ou comptent sur les aides financières pour pouvoir payer leurs études à l’AUB. « Certains étudiants ont été obligés de suspendre leur inscription et les futurs étudiants choisissent désormais des universités moins chères. Un de mes amis a déjà trouvé un autre établissement pour l’année prochaine », raconte un protestataire inscrit en 2e année d’économie, sous le couvert de l’anonymat. « Il est clair que la direction ne compte pas revenir sur sa décision. Ils nous affrontent par le biais de la police, ils ternissent notre réputation et n’écoutent aucune de nos demandes, mais nous continuerons à faire entendre notre voix », soupire-t-il. Pour mémoire Les étudiants libanais laissent éclater leur colère et crient leurs revendications

« Je paie déjà 30 millions de livres par an, impossible pour moi de payer les frais au taux de 3 900 LL », confie pour sa part un étudiant en 3e année de chimie qui souhaite rester anonyme. « Je vais peut-être devoir partir, mais je ne sais pas où aller. C’est difficile d’étudier à l’étranger en ce moment. Nous allons continuer à faire pression », ajoute-t-il.

Pour plus de transparence

Une étudiante en 3e année de génie dénonce pour sa part le caractère absurde de l’augmentation du taux d’indexation du dollar par l’AUB, à l’heure où les salaires sont toujours les mêmes. « Ils ne comprennent pas que nos parents sont payés au taux de 1 500 LL, s’exclame la jeune femme. Je ne comprends pas comment on pourra payer ce genre de sommes astronomiques. »

Batoul Noureddine, 21 ans, estime quant à elle que l’université « n’est pas assez transparente au niveau de ses comptes ». « Nos frais d’étude sont versés en salaires pour les cadres supérieurs.

Nous voulons savoir où va notre argent », lance cette étudiante en génie mécanique. « Les étudiants ici appartiennent à toutes les classes sociales et il faut maintenir cette situation. Si l’on continue comme cela, il n’y aura plus que les riches qui pourront se payer des études à l’AUB. L’université va finir par perdre beaucoup de ses étudiants », analyse-t-elle.

Une poignée d’étudiants de l’Université Saint-Joseph (USJ) sont également venus prêter main forte à leurs camarades. Nazem Khatib, étudiant en 4e année d’ingénierie à l’USJ, estime que « cette affaire concerne tout le monde ». « L’USJ n’a pas encore adopté le taux de 3 900 LL, mais elle ne tardera sans doute pas à le faire. Il faudra désormais débourser des sommes énormes pour poursuivre nos études, ou s’inscrire à l’Université libanaise (seule université publique du pays), et cette dernière a malheureusement vu son budget baisser dernièrement », souligne-t-il.

lorientlejour.com

Written by Fama

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