L’Afrique de l’Ouest n’en a pas fini avec l’épidémie d’Ebola, officiellement déclarée il y a un an, le 25 mars 2014, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le Liberia comptait les jours depuis le 5 mars, date à laquelle le dernier patient infecté avait quitté l’hôpital après deux tests négatifs. Le pays espérait atteindre le délai de quarante-deux jours sans nouvelle infection (deux fois la durée maximale d’incubation qui est de vingt et un jours) pour proclamer qu’il était débarrassé de la maladie à virus Ebola. Hélas, un nouveau cas a été détecté vendredi 20 mars.
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Parallèlement, la Sierra Leone va de nouveau confiner sa population pour mener des opérations de porte-à-porte afin de freiner la transmission du virus. Le président Ernest Koroma, a annoncé, samedi 21 mars, que les six millions d’habitants du pays « devront rester à la maison du vendredi 27 mars à 6 heures jusqu’au dimanche 29 mars à 18 heures ».
La perspective d’une fin de l’épidémie à la mi-avril s’éloigne, alors qu’au 23 mars 24 842 cas, dont 10 299 mortels, étaient recensés par l’OMS. L’épidémie décline après le pic observé entre septembre et décembre. Mais le cas inattendu au Liberia et la persistance d’une transmission active en Guinée et surtout en Sierra Leone confirment qu’il serait erroné de se penser dans l’ère « post-Ebola ».
« Méfiance des populations »
Selon plusieurs témoignages du personnel engagé sur le terrain, malgré l’aide de malades guéris, il n’est pas facile de convaincre de la nécessité d’aller en centre dès les premiers symptômes, de procéder à des enterrements sécurisés… Si ces précautions ne sont pas prises, de même que l’identification et le suivi des personnes ayant été en contact avec un malade d’Ebola, l’épidémie repart.
« Un an après, les problèmes restent les mêmes, avec une méfiance maintenue des populations à l’égard des interventions d’équipes étrangères, “les Blancs”, et, surtout, un refus de ce que disent le gouvernement, les institutions. La théorie du complot a encore du crédit », assure Jérôme Mouton, coordinateur de l’intervention de Médecins sans frontières (MSF) en Guinée.
« Les messages généraux ne fonctionnent pas : il faut s’adresser à des micro-communautés, des groupes d’individus limités en nombre », dit encore Jérôme Mouton, basé à Conakry, où se trouve le centre Ebola de l’hôpital Donka. Si la sensibilisation, l’information peuvent arriver dans un village, avec le relais des autorités religieuses locales ou du chef de la communauté, en ville, la lutte doit se faire à l’échelle d’une rue, d’une maison. Ce qui n’est pas assez fait.
Charge de MSF contre l’OMS
L’anniversaire du début officiel de l’épidémie en Guinée est l’occasion pour MSF de dresser un bilan sans concession de cette crise. Dans un document intitulé Poussés au-delà de nos limites, qui retrace « une année de lutte contre la plus vaste épidémie d’Ebola de l’Histoire », l’organisation fustige ceux qui ont « ignoré les appels à l’aide » et ont réagi avec retard.
Car la pire épidémie de fièvre hémorragique s’est propagée sans attirer l’attention à partir de décembre 2013. Présente en première ligne dès sa découverte, MSF s’est vite rendu compte que celle-ci était hors norme, avec une multitude de foyers et une extension hors des zones forestières vers les grands centres urbains, favorisée par les mouvements de populations transfrontaliers.
A la mi-avril 2014, tant MSF que le personnel des Nations unies s’inquiètent des proportions et du caractère inhabituel de l’épidémie et demandent de l’aide à Keiji Fukuda, sous-directeur général chargé de la sécurité sanitaire à l’OMS. « Le 21 juin, nous avons à nouveau tiré la sonnette d’alarme en déclarant publiquement que l’épidémie était hors de contrôle et que, seuls, nous ne pouvions pas gérer le grand nombre de nouveaux cas et de foyers d’infection », rappelle le Bart Janssens, directeur des opérations à MSF, cité dans le rapport.
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Pourtant, l’OMS ne réagit toujours pas. Dans un courrier électronique daté du 5 juin 2014, révélé par l’agence Associated Press le 20 mars dernier, Sylvie Briand, chef du département des maladies pandémiques et épidémiques à l’OMS, indiquait qu’« il serait peut-être plus efficace d’utiliser d’autres moyens diplomatiques pour le moment », alors qu’un collègue évoquait la proclamation d’une « urgence de santé publique de portée internationale ».
Cinq jours plus tard, dans un mémo adressé à la directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, le docteur Fukuda et d’autres cadres affirmaient que déclencher une alerte mondiale ou même convoquer une réunion pour en débattre « pourrait être pris comme un acte hostile ». L’OMS attendra le 8 août pour déclarer que l’épidémie en cours constitue une urgence internationale, donnant le coup d’envoi d’une mobilisation des Etats.
Favipiravir, ZMapp, Ebovac…
Depuis, les chercheurs ont mis les bouchées doubles pour mettre au point et évaluer les traitements et vaccins contre le virus. L’antiviral favipiravir est à présent disponible dans les centres de traitement Ebola de Guinée. Les Instituts nationaux de la santé américains (NIH) ont également proposé à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de tester le médicament expérimental ZMapp, dont 150 doses seront prochainement disponibles.
Les Américains le compareront à un placebo (substance inactive) en Sierra Leone, et les Français mèneront fin avril ou début mai une étude en Guinée comparant le favipiravir seul ou associé au ZMapp. Enfin, un essai avec du sérum de convalescent (contenant des anticorps contre le virus Ebola) est en cours depuis février chez quelques dizaines de patients en Guinée, sous l’égide de l’Institut de médecine tropicale d’Anvers et de l’Etablissement français du sang.
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Sur le front des vaccins, les NIH mènent depuis février un essai sur l’efficacité de deux candidats, celui de Merck et celui de GSK. Il inclura près de 30 000 participants. L’OMS fait de même, depuis la mi-mars, en vaccinant avec le candidat-vaccin de Merck les soignants et l’entourage des personnes infectées par Ebola en Guinée.
Enfin, une autre stratégie vaccinale dite « prime-boost » est évaluée avec l’essai Ebovac financé par la Commission européenne : elle consiste à administrer successivement deux vaccins anti-Ebola développés par le laboratoire américain Janssen, dont la composition diffère afin d’obtenir une réponse immunitaire plus forte et plus durable. Menée en Europe et en Afrique à partir de juin prochain, la phase 2 de l’étude est coordonnée par l’Inserm, tandis que la suivante, qui évaluera l’efficacité, le sera par la London School of Hygiene and Tropical Medicine.
Par Paul Benkimoun et Rémi Barroux (lemonde.fr)