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Romain Vignest : « Renoncer à maîtriser la langue, c’est renoncer à penser »

Romain Vignest

"Teacher Writing ""Education"" on the Blackboard"

L’accord du participe passé en français est on ne peut plus logique pour quiconque est de bonne foi et doué de raison, soutient dans une tribune au « Monde » Romain Vignest, professeur de lettres classiques, indigné que l’on s’attaque au logiciel même du français, la grammaire

Tribune. Ceux qui connaissent l’indigence des programmes de français outre-Quiévrain n’ont pas dû être étonnés que de là vienne aussi le vœu de ne plus accorder le participe passé : abandonner la grammaire après la dissertation ou la littérature, c’est dans l’ordre des choses.

Vouloir ériger la démission en modèle linguistique et intellectuel, c’est en revanche d’une outrecuidance que les francophones, natifs, seconds ou qui le sont devenus par amour du français et de sa littérature, apprécieront, on l’espère, à sa juste valeur. Elle ne devrait pas non plus laisser indifférents tous ceux qui essaient d’élever, d’instituer la jeunesse et qu’on invite aujourd’hui au renoncement et à la facilité.

Les pourfendeurs de l’accord du participe passé, c’est leur principal argument, lui reprochent son excessive complexité, voire son caractère illogique. On pourrait se demander pourquoi ce qui, pendant plusieurs siècles, n’a pas paru compliqué, ou dont la complexité n’a pas paru rédhibitoire, le serait aujourd’hui devenu. Nos enfants sont-ils plus sots ? Le cerveau humain en général, francophone en particulier, a-t-il dégénéré ? Si une règle est moins bien appliquée, n’est-ce pas plutôt parce qu’elle est moins bien comprise, parce qu’elle est moins bien enseignée ? Faut-il mettre la langue en conformité avec les errements d’une pédagogie qui ne l’enseigne plus ?

Complexité et vice

Qu’on prenne la mesure de cette effarante assimilation de la simplicité à une vertu et de la complexité à un vice : il n’est pas meilleure définition d’un processus de démission intellectuelle, car penser, raisonner, abstraire, analyser, synthétiser, articuler des idées est par nature compliqué. C’est avec la langue qu’on pense. Et renoncer à maîtriser la langue, ou la simplifier pour qu’elle soit plus facile à employer, c’est renoncer à penser.

Et si – ce qui reste à prouver et à quoi je ne crois nullement – la tendance des jeunes gens serait à la paresse…

lemonde.fr

Written by Moustapha

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