Derrière les noms des 54 États africains se cachent bien des histoires et autant de langues, coloniales ou pas. De l’Algérie au Zimbabwe, voici l’Afrique de A à Z, une série en quatre épisodes. Dans ce 4e et dernier volet, du Sénégal au Zimbabwe.
Est-ce une pirogue, comme l’affirme l’abbé français David Boilat dans Esquisses sénégalaises (1850), Sénégal venant à son avis de suñu gaal, « notre pirogue » en wolof ? Cette idée communément admise est contestée par divers experts, dont Saliou Kandji, auteur de Sénégal n’est pas Sunugal, ou De l’étymologie du toponyme Sénégal (Presses universitaires de Dakar, 2006). Trois sources au moins sont possibles : les Sanhadja, une tribu berbère du Sahara, l’expression berbère Sina id-noughal, « de là d’où nous revenons », « là où sont nos frontières », et Singhane en hassanya (l’arabe mauritanien), qui désigne la région du Cayor.
Les 115 îles de cet archipel portent depuis 1756 le patronyme d’un contrôleur des finances du roi Louis XIV, Jean Moreau de Séchelles – Sesel en créole. Ce nom a persisté, alors que Vasco de Gama, navigateur portugais, avait baptisé les îles Amirantes en 1501, et malgré la perte de l’archipel par la France en 1811, au profit de l’Empire britannique. Les Seychelles n’ont pas changé de nom à l’indépendance en 1976, et portent toujours la marque du passage des Français. Leur île principale, Mahé, doit son nom au gouverneur de ce qui était alors L’Isle de France (actuelle Maurice), un aristocrate dénommé Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais.
D’où vient l’association entre l’espagnol sierra, « chaîne de montagnes », et l’italien leone, « lion » ? Il s’agirait d’une mauvaise traduction ou retranscription de Serra Leoa (« montagnes du lion »), le nom venu à l’esprit de l’explorateur portugais Pedro de Sintra en 1462, lorsqu’il aborda le relief accidenté de ces côtes ouest-africaines. L’arrivée des Britanniques en 1787, pour fonder la ville de Freetown, ne change rien à l’appellation du pays, devenue Salone en langue krio.
Appelée « Punt » par l’Égypte des pharaons, « Azania » par les Grecs anciens puis « Barbara » par les géographes arabes, qui y voyaient un territoire berbère (d’où le port de Berbera), le pays porte aujourd’hui le nom de ses habitants, les Somalis. Le mot est retranscrit à partir du XVe siècle, mais ce peuple s’est formé entre les Xe et XIIIe siècles à la suite de plusieurs vagues migratoires venues d’Arabie – les Dirs Somalis, Hawiye et Issas, puis Darods et Isaqs, organisés en clans et lignées. L’un des plus homogènes d’Afrique, il parle le af-Soomaali, langue cousine de l’oromo. Le mot « Somalie » viendrait de la mythologie selon laquelle Samaale et Sab, fils de Hill, sont les ancêtres des éleveurs nomades et des agro-pasteurs.
De l’arabe Bilad as-Sudan, « terre des Noirs », ce terme étant utilisé par les cartographes arabes du Moyen-Âge pour désigner le sud de la zone sahélienne, bien avant que le territoire qui correspond à l’actuel Soudan ne passe sous domination égyptienne. L’ancienne Nubie était appelée « pays de Koush » par les pharaons, 2 000 ans avant Jésus-Christ.
Le dernier né des États africains, lorsqu’il fait sécession du Soudan en 2011 à la suite d’un référendum d’autodétermination, hésite sur son appellation. Parmi les propositions figurent « Azania », « New Sudan », « Nile Republic », « Equatoria », « Koush » et « Djouwama » (Juwama), un regroupement des premières syllabes de Djouba, Wau et Malakal, les capitales régionales. Pour des raisons pratiques, les autorités choisissent South Sudan, l’anglais étant sa seule langue officielle.
La Tanzanie regroupe depuis 1964 les noms de deux États qui l’ont précédée : le Tanganyika, à la fois grand lac et ancienne colonie britannique (1919-1961) et l’île de Zanzibar, longtemps contrôlée par le sultanat d’Oman. Tanganyika signifie en swahili « Voguer dans la plaine inhabitée », tandis que Zanzibar vient de l’arabe barr (« rivage ») et du nom du peuple Zenji ou Zengj, qui veut dire « noir ».
Le lac Tchad donne son nom au pays, tsade en kanouri signifiant tout simplement « lac ». Trois grands royaumes s’y sont succédé à travers les siècles, nommés Kanem, Ouaddai et Baguirmi, avant que leurs territoires ne soient intégrés dans l’Afrique équatoriale française (AEF).
En langue ewe, to signifie « eau » et go « côte ». Mais tout serait parti du village dénommé Togodo, « le pays après la falaise » ou « de l’autre côté du rivage ». C’est là qu’un traité de protectorat a été signé en 1884 entre plusieurs chefs et l’explorateur allemand Gustav Nachtigal, qui baptise le pays « Togo ».
Sous domination successive des Numides, Phéniciens, Grecs, Romains, Arabes, Espagnols, Ottomans et Français, la ville de Tunis n’a jamais changé de nom depuis sa fondation dans l’Antiquité, à proximité de la cité phénicienne de Carthage. Son nom vient-il de la déesse phénicienne Tanith ? C’est une hypothèse. Sa racine plus probable vient d’un mot berbère signifiant « passer la nuit ». Tunis, située stratégiquement à la pointe nord-est du continent, désigne un lieu de bivouac ou de halte. Un simple relais qui ne deviendra capital que sous le sultanat hafside (1207-1574) sur un territoire nommé Ifrikiya (comme l’ancienne province d’Afrique romaine), englobant une partie des actuelles Algérie et Libye.
L’ancienne Rhodésie du Nord tient son nom du fleuve Zambèze, qui coule dans l’est du pays et forme la frontière avec le Zimbabwe.
À sa libération en 1980, l’ex-Rhodésie se renomme Zimbabwe, un nom qui évoque le Grand Zimbabwe, l’un des sites archéologiques les mieux conservés du continent. Cette cité médiévale de tours de pierres rondes, construite au XIe siècle, porte un nom dérivé du shona : dzimba-hwe, « maisons de pierres ». Le mot désigne des maisons vénérées, celles des chefs ou des tombes, dernières demeures.
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