La représentation de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) au Sénégal vient de découvrir une microalgue toxique sur les plages de la commune de Ngor, à Dakar, alerte un chercheur de l’institution.
Cette découverte date d’août-septembre, a signalé Patrice Brehmer, samedi, au cours d’un point de presse conjoint de l’IRD et de certains de ses partenaires comme le Centre de recherches océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT). « Nous avons découvert cette microalgue toxique cet été au sud de la presqu’île des Almadies. La première fois c’était au site de la Baie des carpes », dans la commune de Ngor, a déclaré le chercheur. Les chercheurs suspectaient « la présence de ces algues depuis de nombreuses années », sur la base notamment d’interpellations des habitants de Ngor, qui exprimaient régulièrement, « en début d’hivernage », « un souci récurrent » relatif à la présence de cette algue. Après des analyses en laboratoire, les chercheurs ont « réussi à identifier beaucoup de choses (…)’’ au niveau microbiologique, dont la présence de « métaux lourds, de micro-plastiques, une certaine micro toxicité des sédiments ».
« Les symptômes après contact, s’apparentaient à la grippe saisonnière », a précisé Patrice Brehmer, selon qui les eaux usées « sont une bonne source d’apport en nutriments pour le développement de ces algues toxiques ». Sans qu’on sache réellement l’origine de cette microalgue toxique, des enquêtes sociales ont selon lui montré un décalage entre la perception de la pollution plastique par les populations et la réalité scientifique de la pollution marine. « Nous avons suspecté du déterminisme de cette microalgue toxique quand les eaux se réchauffent, et qu’il y a une présence d’eaux usées non traitées », a indiqué le chercheur, faisant état de symptômes « très caractéristiques ressemblant à la grippe saisonnière », sachant qu’ils « touchent les gens qui sont en contact mais également en dehors hors de l’eau ». Une fois sur le terrain, après une collecte de ces algues et d’oursins, s’en est suivi un travail de laboratoire, avec des spécialistes en la matière qui ont confirmé que c’est une microalgue toxique du genre ostreopsis et de la famille dinoflagellé, a-t-il indiqué.
« Ces micro algues toxiques, non mortelles, sont présente dans des milieux marins calmes et chaudes. Cependant, il y a une efflorescence massive quand les eaux sont calmes et très chaudes. Elles vont se développer au fond de la mer, dans les zones de petits fonds entre 0 et 2 mètres », a-t-il expliqué. « Cela va tapisser tout le fond à travers des biofilms autour des algues et oursins. De fait, quand les conditions environnementales sont défavorables notamment un coup de vent ou la présence de vagues remettant en suspension tout cela, et visualisant l’apparition d’une fleur d’eau très caractéristique, des agrégats marrons apparaissent en surface », a poursuivi le chercheur. Il note qu’à partir de ce moment, « le vent va transporter toute cette toxine sur le rivage pouvant toucher des personnes sans qu’elles ne soient en contact avec la mer. C’est ce qui fait l’originalité de la toxine associée à cette algue, appelée palytoxine ».
« Sa propagation se fait par le vent. Si le vent part de la mer vers la terre, cela va plus toucher les gens que dans le cas contraire. Elle se manifeste sur l’humain assez brutalement, c’est-à-dire quelques heures après un contact. Le nez qui pique et coule, des éternuements, des odeurs nauséabondes des maux de gorge, des fièvres et fatigues, entre autres », a souligné Patrice Brehmer. Il observe que la présence de la toxine « est très forte pendant 48 heures, après, sa concentration baisse très rapidement jusqu’à une absence de symptômes ». Les chercheurs émettent des recommandations pour face à ce phénomène qui doit être suivi au niveau scientifique et biologique afin de mieux caractériser les efflorescences algales. Ils suggèrent ainsi des enquêtes socio-anthropologiques sur les maladies des professionnels de la mer (acteurs et riverains), pouvant inclure cette microalgue toxique et d’autres types. De même, invitent-ils les autorités « à suivre ce phénomène et de voir ses implications sur la santé humaine et sur l’écosystème et voir sur les activités industrielles, si on souhaite développer l’aquaculture marine au Sénégal »
« Il y a des microalgues marines de cette famille qui peuvent causer d’autres problèmes », préviennent-ils. Selon Patrice Brehmer, une note politique est en train d’être finalisée qui sera envoyée à plusieurs départements ministériels ainsi qu’à la Haute autorité chargé de la coordination de la sécurité maritime, de la sûreté maritime et de la protection de l’environnement marin (HASSMAR). « Nous allons aussi restituer toutes ces informations aux comités locaux de la pêche artisanales (CLPA) de Ouakam, Ngor et Yoff, a dit le chercheur.
aps.sn