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L’éducation pour tous : un objectif lointain

Le bulletin scolaire de la planète n’est pas bon. « Quelques progrès, mais doit beaucoup mieux faire », pourrait écrire l’Unesco, l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, dans son rapport mondial de suivi de l’éducation pour tous (EPT) 2015, présenté jeudi 9 avril.

Les six objectifs de l’éducation pour tous fixés à Dakar en avril 2000 ne sont pas atteints. A un mois du prochain Forum mondial de l’éducation qui se tiendra, du 19 au 22 mai, à Incheon (République de Corée), un tiers seulement des 140 pays qui ont renseigné l’Unesco ont atteint l’ensemble des objectifs. « C’est un bilan final, la réponse est claire, le compte n’y est pas. Si l’on prend l’objectif de la scolarisation dans le primaire, pas seulement l’entrée à l’école mais la réalisation d’un cycle complet, seuls un petit peu plus de la moitié des pays l’ont atteint », explique Nicole Bella, statisticienne en charge de l’analyse des politiques éducatives à l’Unesco.

En effet, 52 % des pays ont atteint l’éducation primaire universelle, et 10 % seraient sur le point d’y parvenir. « Presque 100 millions d’enfants ne termineront pas leur cursus primaire en 2015, essentiellement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire », écrivent les auteurs du rapport. Si 50 millions d’enfants supplémentaires ont été scolarisés par rapport à 2000, l’échec relatif est dû aux inégalités persistantes dans le monde.

Le poids des inégalités sociales

« Les plus pauvres ont quatre fois moins de chance de fréquenter l’école primaire et cinq fois moins de chance que les plus riches de terminer le cycle complet de cet enseignement », précise Mme Bella. Mais les inégalités ne sont pas seules en cause. Il existe des effets cumulatifs, comme le fait d’appartenir à une minorité ethnique ou linguistique dans un pays, d’être membre d’une communauté nomade ou simplement d’être une fille. Parmi les enfants non scolarisés, les filles ont plus de risques que les garçons de ne jamais aller à l’école, 48 % contre 37 %.


Dans une classe mixte (CI-CE1) de l’école de Dan-Saa (Niger). Tagaza Djibo/UNESCO

La réalité est différente d’un continent à l’autre. En Amérique latine et en Asie, les garçons sont plus nombreux à quitter les bancs de l’école pour aller travailler, surtout à partir du secondaire (collège et lycée), la crise économique amplifiant le phénomène. En Afrique subsaharienne en revanche, les filles restent plus vulnérables, notamment les plus pauvres. « En Guinée et au Niger, en 2012, plus de 70 % des filles les plus pauvres n’avaient jamais été scolarisées dans le primaire contre 20 % des garçons les plus riches », écrivent les auteurs.

Dans les pays en guerre

La persistance de conflits dans un grand nombre de pays reste un obstacle majeur à l’éducation. « Si l’on prend les 58 millions d’enfants qui, en 2012, n’allaient pas à l’école primaire (6-11 ans), plus d’un tiers d’entre eux se trouvent dans des pays en guerre [une trentaine sont recensés selon l’Unesco], comme la Syrie, l’Irak, le Yémen, le Mali, etc. », analyse Nicole Bella. Cette proportion a augmenté de 30 % à 36 % entre 2000 et 2012.

Pour autant, la situation globale s’est plutôt améliorée. « Le monde a réalisé d’importants progrès en matière d’éducation pour tous et, bien que les objectifs pour 2015 n’aient pas été atteints, des millions d’enfants en plus sont scolarisés par rapport à ce que laissaient augurer les tendances des années 1990. Mais la tâche est encore loin d’être accomplie », a déclaré Irina Bokova, la directrice générale de l’Unesco.

Certains pays en développement ont vu leurs efforts en matière d’éducation couronnés de succès. Ainsi, l’Algérie a augmenté le nombre d’enfants accueillis dans le préscolaire et en maternelle de manière spectaculaire, passant de 2 % en 2000 à 79 % en 2012. Au niveau mondial, seuls 47 % des pays sont parvenus à remplir cet objectif n° 1 de « protection et éducation de la petite enfance ». Et 20 % d’entre eux en sont « encore très loin ». Par rapport à 1999, l’Unesco a enregistré une hausse des deux tiers du nombre d’enfants scolarisés en maternelle.

L’alphabétisation en panne

D’autres objectifs de l’éducation pour tous sont assez loin d’être atteints, comme l’alphabétisation des adultes. Un quart seulement des pays parvient à l’objectif fixé en 2000 de « diminuer de 50 % les niveaux d’analphabétisme des adultes d’ici à 2015 ». Et 32 % des pays en sont très éloignés. Les femmes continuent à représenter les deux tiers des adultes analphabètes. Et si le pourcentage de ces adultes a régressé de 18 % en 2000 à 14 % en 2015, cela est dû principalement à l’arrivée à l’âge adulte de jeunes qui ont été davantage scolarisés.

Quand ces objectifs seront-ils atteints ? Il est difficile de le prédire, avec une crise économique persistante. « Il faut des stratégies spécifiques, bien financées, qui donnent la priorité aux plus pauvres – en particulier les filles –, qui améliorent la qualité de l’enseignement et réduisent le fossé de l’alphabétisation afin que l’éducation devienne vraiment universelle », plaide Irina Bokova.

Pour l’heure, la tendance générale reste à la recherche d’économies. Selon l’Unesco, les taux d’encadrement dans l’enseignement primaire ont baissé dans plus de 80 % des pays. Alors qu’il faudrait quatre millions d’enseignants supplémentaires pour scolariser tous les enfants.

Baisse des aides à l’éducation

La baisse des aides à destination des pays les plus pauvres, notamment dans les secteurs éducatifs, a eu un impact important. Le rapport indique que si l’aide à l’éducation a doublé entre le début des années 2000 et 2010, elle régresse depuis. « S’agissant de l’aide à l’éducation de base, petite enfance, préscolaire et primaire, en provenance des pays de l’OCDE, elle est passée de 2,7 milliards d’euros en 2002 à 5,6 milliards en 2010, pour redescendre à 4,6 milliards d’euros en 2012, et la tendance reste à la baisse», indique Nicole Bella.

Par ailleurs, dans de nombreux pays dont l’enseignement public est faiblement doté, ce sont des écoles privées qui prennent le relais, notamment dans le primaire. Si les frais d’inscription ne sont pas trop onéreux, cela représente néanmoins un handicap supplémentaire pour l’accès à l’école des plus démunis.

Alors que les Nations unies estiment que 20 % environ d’un budget national devrait être consacré à l’éducation, moins de la moitié des pays ont affecté de 15 à 20 % de leurs budgets à ce poste. « Après 2015, il faudra trouver chaque année 22 milliards de dollars [quelque 20,4 milliards d’euros] supplémentaires pour financer l’éducation, soit près du tiers du coût de l’éducation dans les pays à faibles revenus », écrivent les rapporteurs. Ce qui signifie, pour les pays donateurs, la multiplication au moins par quatre de leur aide. Un défi loin d’être relevé par les pays occidentaux qui cherchent des économies à faire, tant dans leurs politiques d’aide au développement que dans leurs propres budgets nationaux consacrés à l’éducation.

lemonde.fr

Written by Momar Baby

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