Le philosophe livre un essai d’écologie spéculative qui décentre notre regard pour sortir d’un « géocentrisme » fatal.
Que certains milliardaires prévoient de séjourner sur Mars ou qu’ils envisagent, comme l’imagine Frédéric Neyrat dans La Condition planétaire, d’y déplacer des « damnés de la Terre » quand des parties du monde deviendront inhabitables, ces scénarios ne doivent pas nous apparaître comme de la science-fiction. Il s’agit, défend l’auteur, d’un type de perspectives désormais indissociables de la réflexion philosophique et politique sur le devenir des sociétés humaines à l’ère de l’anthropocène.
Paradoxalement, ce serait en effet dans notre manière de regarder vers les profondeurs insondables du ciel, en songeant à la place de notre planète dans l’Univers, que pourrait se dessiner l’avenir de la vie terrestre. Grande question, mais posée jusque-là dans une trop petite maison : la pensée « écologisée », explique Neyrat, a réduit l’oikos – ce « foyer » désigné par l’étymologie grecque du terme – à un espace trop local et territorial. Le philosophe, qui enseigne aux Etats-Unis, cible, en forçant parfois le trait, le nouveau « géocentrisme » qui nourrirait en particulier l’« hypothèse Gaïa », cette théorie qui tend à personnifier la Terre en lui conférant un statut d’exception. Il critique ainsi l’écologie lorsqu’elle prône un « retour à la terre » technophobe, impuissant face aux pouvoirs nouveaux de l’« astrocapitalisme ».