Baptisée en référence à Junon, l’épouse de Jupiter, dont la mission était de découvrir ce que cachait le maître des dieux, la sonde Juno porte décidément bien son nom. Elle vient de révéler que l’atmosphère de Jupiter – du moins du côté de son équateur – est finalement bien plus riche en eau que de précédentes mesures le laissaient penser.
Jupiter dévoilée par la sonde Juno Depuis son orbite autour de Jupiter, où elle est arrivée en juillet 2016, la sonde Juno, de la Nasa, analyse la planète géante de notre Système solaire avec plusieurs instruments. Les images que nous avons sélectionnées ici montrent la « surface » (en fait le sommet de la couche nuageuse), des détails de la Grande tache rouge et des traces du gigantesque champ magnétique. Les spectaculaires séquences à basse altitude sont de véritables enregistrements lors de survols rapprochés, mais présentés en accéléré. Les scientifiques se régalent. Nous aussi.
Lorsque la sonde Voyager 1 avait survolé Jupiter en 1979, elle avait observé des éclairs joviens. Un phénomène généralement alimenté par l’humidité. Mais depuis 1996, les astronomes étaient perplexes. Une mesure inattendue réalisée par le spectromètre de masse de la sonde de la Nasa Galileo concluait en effet à la présence de dix fois moins d’eau que prévu dans l’atmosphère de Jupiter.
Aujourd’hui, des données transmises cette fois par la sonde Juno semblent apporter de nouvelles précisions en la matière. À son équateur, l’atmosphère de la planète géante serait finalement composée à 0,25 % d’eau. C’est presque trois fois plus que du côté du Soleil. Une comparaison basée non sur l’eau liquide, mais sur la présence des atomes qui la composent, l’oxygène et l’hydrogène.
Rappelons que les astronomes pensent que Jupiter a été la première planète de notre Système solaire à se former. Elle renfermerait ainsi une grande part des gaz et des poussières qui n’ont pas été mobilisés pour donner naissance au Soleil. Savoir combien l’atmosphère de Jupiter contient d’eau revêt donc une importance toute particulière pour la validation de ces modèles. Mais l’abondance en eau joue également un rôle en matière de météorologie jovienne. Elle permet aussi de démêler un peu plus la structure interne de la planète géante.
Un résultat à confirmer sur d’autres régions
On comprend mieux pourquoi les astronomes ont souhaité équiper Juno d’un radiomètre à micro-ondes capable de scruter l’atmosphère de Jupiter d’en haut et à plusieurs profondeurs simultanément. Les données collectées durant les huit premiers survols scientifiques de Jupiter concernent ainsi des régions s’enfonçant jusqu’à 150 kilomètres dans l’atmosphère de la planète géante.
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« Grâce à la sonde Juno, nous avons découvert qu’il y avait bien plus d’eau à l’équateur de Jupiter que ce que la sonde Galileo avait mesuré », raconte Cheng Li, chercheur à l’université de Californie (États-Unis) dans un communiqué de la Nasa. « Mais nous savons que cette région équatoriale est assez unique. Il va falloir que nous allions sonder d’autres régions de l’atmosphère de Jupiter avant de conclure. »
D’autant que Galileo avait, en son temps, également montré que les teneurs en eau semblaient augmenter avec la profondeur. De quoi envisager que l’atmosphère de la planète géante ne soit pas des mieux mélangée. À moins que la sonde ait malencontreusement analysé un point inhabituellement sec et chaud de Jupiter.
Peu à peu, la sonde Juno s’oriente désormais vers l’hémisphère nord. Les astronomes sont curieux de pouvoir observer comment la teneur en eau dans l’atmosphère de Jupiter varie avec la latitude. Et jusqu’aux régions polaires animées de cyclones. Le prochain survol scientifique aura lieu le 10 avril prochain.
- Des données de la sonde Juno révèlent que l’atmosphère de Jupiter contient 0,25 % d’eau. Du côté de son équateur au moins.
- Les astronomes attendent avec impatience les prochains survols de la planète géante pour affiner ses chiffres et les étendre à d’autres régions de son atmosphère.
Jupiter : de l’eau enfin trouvée dans son atmosphère
Les modèles de formation des planètes géantes prévoient que Jupiter doit contenir de l’eau. Jusqu’à présent, on n’en avait pas véritablement trouvé trace. Des observations infrarouges provenant de télescopes au sol ont peut-être enfin mis en évidence les nuages d’eau prévus par la théorie de l’atmosphère de Jupiter. Les observations de la sonde Juno devraient confirmer cette découverte.
Article de Laurent Sacco paru le 05/09/2018
Les planètes géantes du Système solaire fascinent. Les géantes gazeuses comme Jupiter et Saturne ou les géantes de glaces comme Uranus et Neptune. Nous ne comprenons pas encore très bien comment elles ont pu se former. Or, nous avons de bonnes raisons de penser que leurs présences ont sculpté l’évolution du Système solaire depuis leur naissance et qu’elles ont joué un rôle, via Jupiter, dans l’apparition de la vie sur Terre.
En effet, en attirant à elle des comètes – comme ce fut le cas pour la fameuse Shoemaker-Levy 9, dont les fragments dissociés par les forces de marée de la géante plongèrent en son sein au mois de juin 1994 sous l’œil des télescopes -, Jupiter aurait diminué le nombre d’impacts destructeurs sur Terre, et donc le nombre de grandes crises biologiques, rendant possible l’évolution de la vie.
L’eau, une clé pour contraindre les modèles de formation de Jupiter
Parmi les données que peuvent exploiter les planétologues pour mieux comprendre ces géantes et leur rôle, il y a celles concernant sa composition chimique exacte, notamment son contenu en eau. Les modèles de formation des géantes impliquent qu’elles devraient en contenir des quantités importantes (bien que la valeur exacte soit débattue), même si Jupiter est constituée au moins à 99 % d’hydrogène et d’hélium. Les géantes devraient en effet s’être formées au-delà de la ligne des glaces, encore appelée ligne des neiges, c’est-à-dire la région au-delà de laquelle le rayonnement solaire dans le disque protoplanétaire n’est plus assez intense pour permettre à de l’eau liquide d’exister et qui permet donc à des grains de glaces de se former (y compris de glace carbonique). Nées dans un environnement similaire, on voit bien d’ailleurs que plusieurs lunes de Jupiter sont riches en glace, et en premier lieu Europe.
MOJO : Modeling the Origin of JOvian planets, c’est-à-dire modélisation de l’origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l’origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat
Curieusement, jusqu’à présent, aucune détection convaincante de ces grandes quantités d’eau dans l’atmosphère de Jupiter n’avait été faite. Il y a eu, bien sûr, des détections dans les régions frappées par la comète Shoemaker-Levy 9, même bien des années après (voir l’article ci-dessous). Mais, même la petite sonde larguée par la sonde Galileo (qui, elle, a plongé dans Jupiter en 2003) et qui a pénétré à grande vitesse dans les couches de l’atmosphère de Jupiter, le 7 décembre 1995, n’avait permis de mettre en évidence cette eau.
Bien sûr, Jupiter est immense. On ne pourrait déduire que l’eau est rare sur Terre juste parce qu’une sonde a atterri en plein désert du Sahara ! Les chercheurs pouvaient donc être confiants. Ils finiraient bien par trouver ce qu’ils cherchaient et c’est bien ce qui semble finalement être arrivé, si l’on en croit un article disponible sur arXiv, provenant d’une équipe de planétologues états-uniens.
Pour atteindre leur but, les chercheurs ont mobilisé les instruments de deux observatoires au sommet du mont Mauna Kea à Hawaï, permettant d’observer dans l’infrarouge : le W.M. Keck Observatory avec son Keck 2 (le télescope infrarouge le plus sensible au monde), et bien sûr le célèbre Infrared Telescope Facility (IRTF), un télescope infrarouge de trois mètres de diamètre créé à la fin des années 1970 à l’initiative de la Nasa pour faciliter la préparation des missions spatiales dans le Système solaire.
La Grande Tache rouge, une fenêtre infrarouge sur l’intérieur de Jupiter
Ils se sont concentrés dans un premier temps sur la Grande Tache rouge, la tempête géante deux fois plus grosse que la Terre et qui existe depuis au moins 150 ans. Certaines parties du spectre des émissions infrarouges devaient pouvoir traverser plusieurs des couches nuageuses prédites par la théorie de l’atmosphère de Jupiter et être détectables dans cette région de la géante. La théorie prédit en effet une couche inférieure (la plus profonde) constituée de nuages de glace à l’eau et d’eau liquide, une couche intermédiaire constituée de nuages à base d’ammoniac et de soufre et une couche supérieure avec des nuages d’ammoniac. Ces émissions sont un véritable carottage à travers les couches, nous renseignant sur les conditions physico-chimiques dans l’atmosphère de Jupiter via notamment leur absorption partielle par le méthane. Ces couches sont trop chaudes pour qu’il puisse donner des nuages, il est donc réparti uniformément.
Cette animation emmène le spectateur sur un vol simulé dans l’atmosphère supérieure de Jupiter, puis hors de celle-ci, à l’emplacement de la Grande Tache rouge. Il a été créé en combinant une image de l’imageur JunoCam sur le vaisseau spatial Juno de la Nasa avec une animation générée par ordinateur. La perspective commence à environ 3.000 kilomètres au-dessus des nuages de l’hémisphère Sud de la planète. La barre à l’extrême gauche indique l’altitude pendant la descente rapide ; une seconde jauge à côté de celle-ci dépeint l’augmentation spectaculaire de la température qui se produit lorsque l’on plonge plus profondément. Les nuages deviennent cramoisis lorsque l’on traverse la Grande Tache rouge. © Nasa
Des variations dans le spectre d’absorption trahissent donc des couches nuageuses ; les astrophysiciens en ont effectivement trouvé une à la profondeur où l’on devrait trouver des nuages contenant de l’eau. Selon eux, il est même possible d’en déduire, en conjonction avec d’autres mesures dans l’infrarouge concernant le monoxyde de carbone, que Jupiter contiendrait finalement de deux à neuf fois plus de noyaux d’oxygène que le Soleil. Ce qui est consistant avec les modèles théoriques prévoyant de grandes quantités d’eau dans l’atmosphère de Jupiter (on soupçonne de plus, depuis quelque temps, la présence d’un cœur de roches et de glaces contenant 10 fois la masse de la Terre).
La technique utilisée est transposable à toutes les autres régions de la surface de Jupiter et surtout, la sonde Juno dispose de son propre instrument pour collecter des données dans l’infrarouge. On ne devrait donc pas tarder à avoir des confirmations de la détection des nuages riches en eau de Jupiter et à terme même une carte des abondances de l’eau dans la géante. L’eau pourrait jouer un rôle critique dans les conditions météorologiques dynamiques de Jupiter, ce qui aiderait à mieux comprendre ce qui rend l’atmosphère de la planète si turbulente. En bonus, elle pourrait avoir des implications pour l’exobiologie et l’existence des fameux flotteurs de Carl Sagan.
Une comète a bien laissé de l’eau dans l’atmosphère de Jupiter
Article de Jean-Baptiste Feldmann publié le 06/05/2013
Le télescope spatial infrarouge Herschel vient de révéler une surabondance d’eau dans l’hémisphère sud de Jupiter, à l’endroit même où les 21 fragments de la comète Shoemaker-Levy 9 plongèrent au mois de juin 1994.
- Découvrez les comètes en image
Le 24 mars 1993, les astronomes Carolyn S. Shoemaker, Eugene M. Shoemaker, David H. Levy et Philippe Bendjoya réalisèrent une étonnante image à l’aide d’un télescope de 40 cm de diamètre de l’observatoire du mont Palomar, en Californie. Sur leur cliché, on pouvait voir un chapelet de morceaux de comètes (des fragments allant jusqu’à 2 km de diamètre) qui se suivaient. Peu à peu, les chercheurs reconstituèrent l’histoire de cet objet insolite.
La comète, qui porte alors le nom de Shoemaker-Levy 9 (ou SL 9), avait été capturée dans les années 1960 par l’attraction de Jupiter, et s’était mise en orbite autour de la planète géante gazeuse. Le calcul de cette orbite révéla que SL 9 était passée le 7 juillet 1992 à seulement 40.000 km des plus hauts nuages de Jupiter, en deçà de la limite de Roche de la planète. De ce fait, le rapprochement avait eu pour conséquence la dislocation de la comète en plusieurs morceaux, un sort qu’a également connu la comète 73P/Schwassmann-Wachmann 3, en 2006. Les calculs de Brian Marsden révélèrent que ces fragments finiraient par rencontrer la planète géante quelques mois plus tard.
En juillet 1994 les astronomes du monde entier, amateurs compris, observèrent pendant plusieurs nuits les impacts causés à environ 60 km/s, par ces morceaux de comète dans l’hémisphère sud de Jupiter. Ils laissèrent des cicatrices sombres, visibles pendant plusieurs semaines. Les dernières observations du télescope spatial infrarouge Herschel ont révélé la présence d’eau dans la haute atmosphère de Jupiter, aux endroits où se produisirent les impacts.
Herschel confirme les mesures du satellite infrarouge Iso
On sait depuis longtemps que les comètes ne manquent pas d’eau, et qu’elles pourraient même avoir joué un rôle dans l’apparition de la vie sur une planète comme la nôtre. Mais comment être certain que l’eau détectée dans l’atmosphère de Jupiter provient bien de SL 9, et non pas des lunes glacées qui l’entourent comme Europe, Ganymède ou Callisto ? Cette eau n’aurait-elle pas pu être apportée par la poussière interplanétaire, ou simplement remonter des profondeurs de l’atmosphère de la planète gazeuse géante ? « Très peu probable », répond Thibault Cavalié, du laboratoire d’astrophysique de Bordeaux, qui a étudié les mesures du télescope Herschel avec une équipe de chercheurs.
Si de l’eau fut détectée dans l’atmosphère de Jupiter peu de temps après les impacts, par le télescope infrarouge européen Iso (en service de 1995 à 1998), les observations de cet instrument ne permirent pas de trancher sur son origine. Grâce à la résolution bien plus élevée du télescope Herschel, il a été possible de localiser avec précision la vapeur d’eau présente dans la haute atmosphère de Jupiter : elle se concentre principalement vers 44 degrés de latitude sud, la zone des impacts. Une localisation qui exclut du même coup d’autres origines pour cette eau.
Les scientifiques devront attendre encore un peu pour cartographier complètement les différents ingrédients qui composent la haute atmosphère de Jupiter. Un défi qu’ils pourront relever avec la sonde américaine Juno en 2016, et beaucoup plus tard avec la sonde européenne Juice.
futura-sciences.com