Depuis la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, ces dernières sont investies d’une mission d’insertion professionnelle. Elles ont donc redoublé d’efforts pour créer des liens avec le monde professionnel. Forums d’entreprises, ateliers d’aide à l’élaboration d’un CV et à la recherche d’emploi, simulations d’entretiens d’embauche : difficile pour les étudiants d’ignorer les propositions des bureaux d’insertion professionnelle de leur établissement.
Battre en brèche les idées reçues
« Depuis 2007, nous avons renforcé les équipes et multiplié les actions pour sensibiliser nos étudiants à l’emploi », déclare ainsi Anne Aubert, vice-présidente de l’université de La Rochelle, chargée de l’orientation, la réussite et l’insertion professionnelle. Et l’augmentation de ces dispositifs paye. « Il y a quelques années, on se faisait une idée de l’université loin des réalités du terrain. Petit à petit, j’ai l’impression que les représentations évoluent. Celles que les étudiants ont du monde professionnel, mais aussi celles qu’ont les entreprises des étudiants »,observe de son côté Muriel Henry, directrice du pôle formation et vie universitaire de l’université de Bourgogne, à Dijon.
Eléonore Bourdeaux fait le même constat. Responsable du service commun universitaire d’information, d’orientation et d’insertion professionnelle (Scuio-IP) de l’université Paris-VIII à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), elle remarque en outre qu’il y a encore quelques années les recruteurs pratiquaient beaucoup la cooptation : « La plupart des employeurs qui sortaient d’une école d’ingénieur ou de commerce embauchaient le plus souvent des gens diplômés de la même école que la leur. C’est encore vrai, mais ils cherchent de plus en plus de profils universitaires avec des compétences transversales. »
Pour continuer à battre en brèche les idées reçues sur l’université et ses filières qui« ne mènent à rien », Eléonore Bourdeaux, parmi d’autres, noue des partenariats avec des entreprises. « Nous faisons venir des professionnels qui ne sont pas issus de l’université pour qu’ils présentent leur métier et leur société. C’est pour eux l’occasion de découvrir un milieu universitaire qu’ils ne connaissaient pas »,explique-t-elle.
Les universités vont jusqu’à associer les entreprises à l’élaboration de leurs cursus, surtout lorsqu’ils sont très spécialisés. C’est le cas du master professionnel « procédés, contrôles, matériaux métalliques » dans le secteur du nucléaire. L’université de Bourgogne l’a créé à la rentrée 2014, après avoir étudié les besoins en personnel d’Areva.
Formation continue
Malgré ces avancées, Anne Aubert note que, à La Rochelle, « le chemin est encore long pour que toutes les entreprises soient sensibilisées aux cursus universitaires ».Pour renforcer les liens entre le monde professionnel et les universités, elle préconise de mettre l’accent sur la formation continue, à laquelle trop peu de salariés ont recours : « Si nous démontrons aux entreprises que nous pouvons aussi former leurs employés en cours de carrière, l’impact sera plus fort. Elles seront plus à même d’embaucher les étudiants issus de nos filières. »
Le rôle d’insertion professionnelle assigné aux universités a également fait évoluer les mentalités au sein du corps professoral. « Avant 2007, la plupart des enseignants avaient déjà cette mission en tête, mais ils prenaient plutôt des initiatives individuelles », remarque Anne Aubert. « Il y a toujours des professeurs qui pensent que l’université n’a pas vocation à former à des métiers spécifiques, mais ils sont peu nombreux, renchérit Muriel Henry. La plupart des enseignants sont très impliqués dans cette fonction et participent aux ateliers organisés dans ce cadre. »
Les services d’insertion professionnelle ont revu les cursus avec les professeurs pour les adapter. A La Rochelle, par exemple, des cours de management sont maintenant dispensés dans certaines formations généralistes pour ceux qui souhaitent créer leur entreprise. A l’université Paris-VIII, des modules dits de préprofessionnalisation ont été instaurés pour inciter les étudiants à effectuer des stages. Pour Anne Aubert, ce travail de remodelage des formations gagnerait à être approfondi : « Il faut aussi continuer à travailler sur la présentation de nos diplômes pour mettre en avant leur plus-value et sortir de notre jargon académique. »
Outils en ligne
Les étudiants sont de plus en plus nombreux à pousser la porte des services d’insertion professionnelle. Sur 22 000 inscrits à Paris-VIII en 2013-2014, 550 ont été reçus en entretien individuel. La tendance est à la hausse. « Ce n’est pas forcément ceux qui en ont le plus besoin qui viennent nous voir », déplore néanmoins Eléonore Bourdeaux.
Etant donné que la fréquentation des Scuio-IP augmente, ces dispositifs peinent à répondre à toutes les sollicitations. « Il y a quelques années, on fonctionnait au cas par cas, un cadre bien adapté pour répondre aux questions des étudiants sur des métiers précis. Désormais, nos services sont plus visibles pour les étudiants et il nous est difficile d’assurer un suivi individuel », explique Anne Aubert.
Pour faire face à cette affluence, plusieurs universités ont développé des outils en ligne. L’université de Bourgogne a créé un réseau social d’anciens étudiants, à la manière des grandes écoles. D’autres, comme l’université Paris-VIII, ont opté pour une plate-forme en ligne sur laquelle l’étudiant recense ses activités associatives, sportives, culturelles et professionnelles, ses stages ainsi que les petits boulots qu’il a occupés. Un programme « traduit » ensuite ces expériences en compétences et les rassemble sous la forme d’un CV numérique.
L’université de Bourgogne prévoit elle aussi de mettre en place un outil de ce type.« L’objectif, à terme, est que tous les étudiants soient intégrés dans des dispositifs d’insertion professionnelle », assure Muriel Henry. En ligne ou non.
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