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Comment l’Inde veut devenir le nouveau géant du numérique

Inde

Dans un pays où 70 % de la population est rurale, la digitalisation de l’économie est vue comme un formidable accélateur de développement. Tour d’horizon.

Début 2017. Une Européenne en Inde. Des poumons remplis d’un air pollué, comme on n’en respire même pas pendant les pics de pollution à Paris, et le désespoir face à des distributeurs de billets vides, aussi bien à New Delhi qu’à Bangalore. Il faut parcourir des dizaines et des dizaines de kilomètres pour obtenir quelques roupies. La « faute » à la décision du gouvernement indien de retirer du jour au lendemain plus de 80 % des billets en circulation, fin 2016. Sans ces billets, tout nous est presque impraticable, car le paiement en carte bancaire n’est possible qu’à la marge…

Et puis ce curieux contraste : les rickshaws, ces véhicules tricycles vert et jaune à propulsion humaine ou mécanique qui se faufilent dans les rues indiennes, sont affiliés à la plateforme américaine Uber, ou à celle de son concurrent local Ola. Donc, avec une petite application téléchargée sur son téléphone mobile, tout peut s’arranger… D’un simple clic, il est enfin envisageable de payer, de consommer. Le salut par le smatphone ? Un Indien sur quatre en posséderait un. L’ambition, boostée par la rivalité avec la Chine, est telle que le gouvernement Modi a lancé, en 2014, un projet quinquennal appelé Digital India. Et il a mis pour cela 15,5 milliards d’euros sur la table.

Des promesses de croissance alléchantes

Digital India vise avant tout à bâtir une infrastructure pour permettre à chaque citoyen d’avoir accès à Internet. D’ici à 2019, le gouvernement ambitionne d’atteindre une couverture mobile de 100 % de son territoire. Il veut ainsi relier au réseau la moindre localité, même la plus reculée, sans oublier les écoles, les universités et les lieux publics. Un défi, lorsque l’on sait que 70 % de la population vit en zone rurale et que quatre Indiens sur cinq n’ont pas accès à l’eau potable.

Cette ambition a de quoi faire tourner la tête des géants américains, des ONG, des agences gouvernementales… Avec 1,3 milliard d’habitants – la deuxième population mondiale après la Chine –, l’Inde est un immense marché qui leur tend les bras. Les promesses de croissance sont appétissantes – rien que pour la seule année 2017, on parle de 7,7 %, et cette numérisation forcée devrait octroyer un ou deux points de croissance supplémentaires par an. Google, Facebook et Microsoft bataillent pour déployer des accès à Internet, aux quatre coins d’un territoire cinq fois plus grand que la France. Cela doit être le socle du développement du pays, en permettant le lancement d’actions éducatives, sanitaires…

Ainsi, Philips Healthcare travaille à des équipements médicaux des centres de santé en zones reculées. Comme souvent en Inde, la technologie imaginée est simple d’utilisation. Dans ce cas, il s’agit de se connecter et de faciliter l’analyse des données par des médecins et des spécialistes installés dans les hôpitaux en zone urbaine.

Une nuée de start-up

Autre champ d’application, l’agriculture, aujourd’hui très peu productive, elle donne lieu à plusieurs initiatives. Le KSNDMC, une agence autonome rattachée à l’État du Karnataka (Sud), très exposé aux catastrophes climatiques, informe les agriculteurs par SMS des conditions météorologiques et des catastrophes naturelles pour qu’ils puissent s’y préparer et leur fournit des préconisations gratuites pour améliorer le rendement de leur récolte. L’ONG Digital Green (financée par la fondation Bill Gates) a construit une plateforme numérique qui met à disposition des vidéos pour aider les agriculteurs à bonifier leurs sols et à les éduquer en matière de santé.

Les petits poucets ne sont pas exclus de cette révolution numérique indienne. Bien au contraire. C’est ainsi qu’une flopée de start-up (4 750, dont quelques françaises) sont dans les starting-blocs, prêtes à s’emparer d’une part du gâteau numérique. Le pays serait tout simplement la troisième base entrepreunariale au monde, avec 130 incubateurs-accélérateurs et plus de 150 fonds de capital-risque et de capital-investisseurs. La Silicon Valley indienne se situe dans le sud du pays, à Bangalore. Et là-bas, on a fait un rêve, celui de devenir, d’ici à 2020, le premier hub pour l’innovation d’objets connectés au monde.

INDIA-BUSINESS-START-UP © MANJUNATH KIRAN / AFP

Le créateur de la start-up Hacklab.in, Vikram Rastogi, dans son bureau à Bangalore. © MANJUNATH KIRAN / AFP

Mais au fait pourquoi Bangalore, et pas New Delhi ou Bombay ? Rien n’est dû au hasard. Bangalore est, depuis les années 1990, la capitale de la sous-traitance de l’industrie informatique américaine. C’est également un pôle notamment dans le secteur des effets spéciaux, animation et jeu. Le Français Technicolor y a un studio, où il traite de nombreux films. Bangalore est aussi un centre important en biotechnologie.

Un e-gouvernement

Le tsunami numérique ne s’arrête pas au secteur privé. L’Inde ambitionne de basculer dans un e-gouvernement. Le pays souhaite installer en place des services administratifs et gouvernementaux totalement numériques d’ici à 2020. Cela implique, par exemple, la mise en place d’un portail unique. Un projet connexe soutient cet effort : Aadhaar. Lancé il y a sept ans, il vise à attribuer à chaque Indien un identifiant numérique à 12 chiffres. Son identité, mais surtout à ses données biométriques – celles de ses empreintes digitales, de son iris et de son visage – sont répertoriées. Déjà, près d’un milliard d’individus ont été ainsi fichés. Ces identifiants numériques devraient faciliter les échanges avec l’e-gouvernement.

Mais Aadhaar n’est pas que là pour réduire la bureaucratie, tout en procédant au plus grand recensement jamais réalisé sur terre. Avec Aadhaar, le gouvernement indien veut aussi interconnecter la population pour qu’elle puisse toucher les aides sociales en limitant la fraude. Il y a également la volonté de «  bancariser » les Indiens. L’intégration à ce fichier s’accompagne de la création d’un compte bancaire pour percevoir les prestations. L’ouverture d’une ligne mobile est aussi encouragée. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, il serait ainsi possible d’associer un numéro de téléphone à une identité numérique pour faciliter les transactions financières. C’est ainsi qu’en parallèle, la FinTech explose. Mobikwik est un des leaders sur le marché, avec 40 millions d’utilisateurs de son application, qui sert aussi de moyen de paiement. La concurrence ne manque pas, puisque le marché potentiel pèserait 2 000 milliards de dollars. Cela ressemble à la ruée vers l’or. Pour la sauvegarde des données personnelles, prière de passer son chemin.

Lepoint.fr

Written by Abdourahmane

Je suis Diplômé en Aménagement et Gestion Urbaine en Afrique, Spécialiste en économie urbaine en même tant Reporter et Éditeur au Journal Universitaire. Je suis également un passionné des TIC.

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