Des établissements font bloc contre la multiplication par quinze des tarifs afin d’obtenir un recul des délais d’application du plan «Bienvenue en France» prévu pour la rentrée 2019.
Cinq universités ont annoncé, cette semaine, leur refus d’augmenter les frais d’inscription pour les étrangers prévue dans le plan «Bienvenue en France». Elles rejoignent ainsi l’Université Paris Nanterre qui a clarifié sa position dans un communiqué datant du 12 décembre. La forte hausse annoncée à l’automne par le gouvernement a fait réagir officiellement pour l’instant les universités Clermont-Auvergne, Aix-Marseille, Toulouse Jean-Jaurès, Lyon-II, Nanterre et Rennes-II. Elles font bloc contre le coût d’une inscription en licence qui passera de 170 € par an à 2 770 € et en master (ou doctorat) de 243 € (ou 380 €) à 3 770 € pour les étudiants non communautaires (hors Union européenne). «Nous demandons un retrait de la hausse des frais d’inscription et la mise en place d’une réflexion collective sur l’accueil des étudiants étrangers», détaille à Libération Nadia Dupont, la chargée de mission formation à l’université Rennes-II. «Au-delà des questions de fond (attractivité de nos universités, accueil des étudiants), ce qui pose problème avec le plan « Bienvenue en France« , c’est la méthode et le calendrier», expose Mathias Bernard, le président de l’université Clermont-Auvergne.
Clermont-Auvergne est la première à officialiser son refus d’appliquer la hausse, en discussion depuis novembre dans les universités. «Mon université, comme d’autres, est assaillie de demandes venant d’étudiants internationaux déjà inscrits qui aimeraient poursuivre leurs études et de futurs étudiants qui veulent savoir notre position. Nous nous devions d’être transparents sur le sujet», confie Mathias Bernard. Ces sollicitations sont dues au fait que Campus France indique déjà sur son site les tarifs annoncés par le Premier ministre, bien qu’ils ne soient toujours pas officialisés par un décret.
«Clermont-Ferrand a ouvert le bal, explique à Libération Jim Walker, le vice-président en charge des relations internationales de l’université Lumière-Lyon-II. Nous avons suivi en nous disant qu’il faut créer une sorte de lame de fond.» Les vice-présidents en charge des relations internationales des universités se réunissent 17 et 18 janvier. La mise en place d’une stratégie commune contre la hausse des frais d’inscription sera à l’agenda. «A aucun moment nous n’avons été consultés sur le montant des frais d’inscription alors que nous sommes les premiers concernés», se désole Jim Walker avant d’ajouter : «Si plusieurs universités montent au créneau peut-être arriverons-nous à obtenir une consultation.» A la réunion des vice-présidents s’ajoute celle de la CPU (conférence des présidents d’université) qui a demandé en décembre la suspension de la hausse des frais d’inscriptions.
A l’instar de Rennes-II, les universités utilisent la formule suivante pour marquer leur détermination : «L’établissement utilisera toutes les possibilités réglementaires à sa disposition» pour ne pas appliquer à ses étudiants étrangers la hausse des frais d’inscription.
Le décret de 2013 ne règle pas tout
Contactées par Libération pour en savoir plus sur ces «dispositions réglementaire», Rennes-II et Toulouse-Jean-Jaurès précisent qu’elles ne sont pas en mesure d’en dire davantage. «Nous attendons de voir ce que propose le décret gouvernemental avant de nous prononcer. Nous avons une position politique. Si besoin, nous trouverons une solution technique pour l’appliquer», explique Nadia Dupont. Mathias Bernard, lui, estime que beaucoup d’universités n’ont pas encore officialisé leur position parce qu’elles ne savent pas encore si la demande de report portée par l’ensemble des présidents d’université sera acceptée, ou s’il va falloir bricoler pour ne pas mettre en œuvre la hausse des tarifs universitaires l’an prochain.
Pour contourner légalement la forte hausse tarifaire, les universités peuvent s’appuyer sur le décret du 19 août 2013 qui dispose que chaque établissement peut exonérer de frais d’inscriptions certains de ses étudiants, dans la limite de 10 % du total des élèves inscrits (cela comprend également certains étudiants communautaires qui en bénéficient déjà). Pour les étudiants non communautaires, il s’agirait d’une exonération partielle qui permettrait le maintien du régime tarifaire actuellement en vigueur.
Le ministère exige «obéissance» et «loyauté»
En l’état, ce décret ne permet pas aux universités de garantir une exonération à tous les étudiants étrangers concernés. L’université Clermont-Auvergne compte au total 35 000 étudiants dont 4 000 élèves non communautaires. Or, seuls 3 500 peuvent en bénéficier de la dérogation. A Rennes-II, les étudiants étrangers représentent 9,8 % des effectifs. Ces universités et bien d’autres auraient besoin d’une réévaluation du quota de 10 %, qui n’est pas encore actée par le ministère l’Enseignement supérieur.
La ministre de l’Enseignement Supérieur, Frédérique Vidal, ne semble pas disposée à revoir ce fameux quota. «Les universités sont des établissements publics, opérateurs de l’État et qu’effectivement, en tant qu’opérateurs de l’État et fonctionnaires d’État, il est évidemment très important qu’ils portent les politiques publiques décidées par l’État», rappelle-t-elle lors d’une audience au Sénat, le mercredi 16 janvier. Elle insiste sur «le devoir d’obéissance et le devoir de loyauté» de «tout fonctionnaire» vis-à-vis de son ministère de tutelle. Vidal a déjà prévenu il y a quelques jours que la hausse des frais d’inscription n’avait pas «pas vocation à être remise en cause dans son principe comme dans son calendrier».
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