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Les universités aux Etats-Unis: un business avant tout ?

Les chiffres sont vertigineux : 37 000, 48 000, 62 000… et jusqu’à 67 000 dollars. Et pour quoi ? Pour une année à l’université. Les études supérieures, aux États-Unis, c’est un luxe. Des sommes dont peu de familles américaines peuvent s’acquitter.

Et 67 255 dollars, c’est aujourd’hui le record, détenu par le Harvey Mudd College à Claremont, en Californie. Ce montant englobe les droits d’inscription et les frais scolaires (50 749 dollars), ainsi que le logement sur le campus (16 506 dollars). Mais, comme l’écrit le Business Insider qui chaque année publie un classement des universités américaines les plus chères, les étudiants « devront encore couvrir les dépenses de livres, de voyages, de soins de santé et, probablement, de bières« .

Mais pas besoin d’être dans le top 20 pour être hors de prix. À Tallahassee, une petite ville que, « personne ne parviendrait à mettre sur une carte, si elle n’avait pas l’Université d’État de Floride » (FSU) — dixit un quidam rencontré sur place —, les prix sont déjà exorbitants. Pas moins de 18 064 dollars (environ 16 500 euros), dont 6 516 dollars pour les seuls frais d’inscription. Et ce sont des coûts « estimés« .

C’est un peu difficile, mais on va s’en sortir

Dans la fraternité Chi Phi du campus de la FSU, l’alcool coule à flots dans les légendaires red cups. Parmi les cinquantaines de fêtards, la caméra-smartphone est vite repérée : « Pas question de filmer, je vais vous demander de partir« . Quelque peu éméché, Patrick, 22 ans, a néanmoins eu le temps de nous dire quelques mots sur sa situation financière. Et elle n’est pas simple.

En ce soir de match, les rues sont bondées à Tallahassee. Bondées d’étudiants venus soutenir les Séminoles de la Florida State University qui affrontent leurs rivaux de Miami, « l’un des plus gros matchs de la saison« .

« Je n’ai pas fini mes études, mais j’ai déjà 60 000 dollars de dettes« 

Valeria, 22 ans, et Baker, 25 ans, sont de sortie. Leur chien Bowie les accompagne, habillé pour l’occasion comme un vrai supporter. Il y a de l’ambiance dans les bars qui jouxtent le campus. Mais, lorsque l’on aborde la question des frais d’inscription à l’université, les sourires s’effacent quelque peu.

Car pour payer, il faut parfois emprunter. Et qui dit emprunts, dit remboursements, avec des intérêts plus ou moins élevés selon qu’ils sont proposés par l’université, par une association ou bien par le privé.

Les dettes atteignent alors vite des sommets. Que l’on étudie à Tallahassee, en Floride, ou bien à Burlington, dans le Vermont, le constat est le même.

Dans cet État du Nord-Est des États-Unis, nous sondons également les étudiants entre deux cours. Sophie, Clarissa, Aiden et Dale sont tous les quatre en première année, mais ils ne sont pas égaux face aux frais universitaires.

« Le fait d’être un homme noir ici me permet d’avoir une bourse« 

Une série de bourses peuvent effectivement soulager le poids financiers des études. Sans remboursement cette fois. Bourses d’université, bourses d’État, bourses présidentielle, mais aussi bourses pour étudiants issus d’une minorité… Les montants sont variables, tout comme les conditions d’obtention.

La plupart des étudiants rencontrés avaient bénéficié d’au moins l’une d’entre elles. C’est un calcul délicat qu’il faut pouvoir faire avant de s’inscrire dans n’importe quelle université : anticiper la « ristourne » qu’engendreront ces bourses sur les frais d’université.

Mais les bourses ne sont pas la seule voie de réduction « gratuite » des coûts. À Tallahassee, Baker évoque sa situation et fait le point sur les autres pratiques, parfois étonnantes. Du sport aux arrangements via une généreuse contribution au développement de l’université, en passant par l’avantage d’être « simplement » célèbre.

« Les universités, c’est un business ici, en Amérique. » Cette courte phrase de Baker résume à elle-seule le système de l’enseignement supérieur aux États-Unis. Car, comme dans tout business, il y a ceux qui payent, il y a ceux qui gagnent de l’argent, il y a eu ceux qui peut-être n’arrivent plus à joindre les deux bouts, et puis il y a ceux qui « profitent du système » ou du moins qui, comme Baker, tentent de l’utiliser au maximum pour réduire les coûts.

Un étudiant, qui refuse d’être filmé de peur de « disparaître le lendemain, embarqué par un van noir« , nous confie : « Il y a les crédits privés que tu dois rembourser, oui, mais il y a aussi l’argent de l’État. Et ça, c’est de l’argent ‘gratuit’. Tu peux très bien recevoir 25 000 dollars de l’État pour te loger, et rester chez tes parents. À ce moment-là, cet argent, tu en fais ce que tu veux. Personne ne vient vérifier, ils s’en foutent« .

Dans de rares cas, le bon business fonctionnerait donc dans les deux sens. Du moins quand on en connaît toutes les ficelles, et que l’on parvient donc notamment à postuler pour un maximum de ces bourses.

Pour multiplier ces aides d’État, les étudiants peuvent compter sur l’aide des universités elles-mêmes. Au plus de bourses sont octroyées, au plus de « clients » elles auront.

À l’Université du Vermont, entre 30 et 50 étudiants inscrits ne parviennent plus à payer

Marie D. Johnson, directrice des services financiers étudiants de l’Université du Vermont à Burlington, se charge avec son équipe de sonder les candidats avant l’inscription. L’objectif avoué à demi-mot est évidemment de s’assurer que leurs familles ont de quoi payer les sommes demandées.

Mais des « mauvais payeurs », il y en a. Souvent bien malgré eux. Les raisons sont diverses et surviennent généralement en cours de cursus. L’université, dit-elle, se veut compréhensive et tente de les accompagner, sur le plan financier, mais aussi, si nécessaire, sur le plan psychologique, pour leur permettre de poursuivre leurs études. Quitte à s’endetter pour des années.

D’autres organismes viennent également en aide aux étudiants. La VSAC, la corporation d’assistance aux étudiants du Vermont, est à la fois une oreille et un portefeuille pour les futurs diplômés.

Dans cette association à but non lucratif, avec d’autres conseillers en crédits, Erin Hogan tente « d’aider les jeunes à suivre des études supérieures » : trouver une université abordable, des bourses, d’éventuels prêts, etc. Mais elle se veut réaliste. « Les étudiants ont le choix, ils peuvent aller dans l’université qu’ils veulent, mais ils doivent le faire en fonction de leurs moyens. S’ils s’endettent, parce qu’ils ont quelque part visé trop haut, c’est qu’ils l’ont choisi. »

Emprunter, c’est donc un « mauvais » choix, sous-entend-elle. « Les bourses, qui n’entraînent pas de remboursement, sont la solution à privilégier. »

Mais tout cela n’empêche toutefois pas la VSAC de proposer elle-même des prêts, dont les intérêts servent alors à faire tourner cette corporation. « On a des millions de dollars de prêts en cours auprès de nombreux étudiants« , précise Erin Hogan sans détour. Des millions que la VSAC finira toujours par récupérer, avec intérêts.

Des universités gratuites à l’avenir ?

Face à tout ce système, lucratif pour les uns, dramatique pour les autres, et, au fond, dont le résultat financier semble primer sur l’éducatif, une idée politique a surgi dans la campagne présidentielle américaine : l’université gratuite pour les moins aisés.

C’est la candidate démocrate, Hillary Clinton, qui a formulé cette proposition, faisant ainsi une concession à son rival de la primaire, Bernie Sanders. Si elle venait à être appliquée, dans un premier temps, les établissements publics verraient leurs frais d’inscription tout bonnement supprimés pour les quatre premières années d’études pour les familles qui gagnent moins de 85 000 dollars par an, soit quelque 76 000 euros. Et d’ici 2021, ce « plafond » de revenus passerait à 125 000 dollars.

Inutile de dire que, sur les campus, cette proposition est accueillie avec un enthousiasme certain par les étudiants. Quoique teinté de scepticisme quant à la faisabilité d’une telle mesure dans un pays où toute augmentation des taxes — certainement nécessaire pour réaliser pareille réforme — entraîne une levée de boucliers rageurs.

« Impayable« 

Du côté de la VSAC, on n’y croit encore moins. Tant au niveau de la faisabilité, qu’en termes « d’utilité ». « Je n’y crois pas, c’est impayable, estime Erin Hogan. À moins d’augmenter les taxes, mais, personnellement, je ne veux pas payer plus pour que d’autres puissent aller à l’université. J’ai été à l’université, et j’ai tout payé moi-même. »

« Je pense d’ailleurs que tout le monde ne devrait pas pouvoir aller à l’université. Certains ne sont pas faits pour ça ou ne veulent tout simplement pas y aller. » Mais ne devraient-ils pas au moins avoir le choix ? « Si, mais bon… Quand les parents forcent leurs enfants à y aller, certains, à 18 ans, ne sont pas prêts, ce n’est pas le bon moment pour eux. Alors rendre l’université gratuite, cela reviendrait parfois à dépenser de l’argent pour rien, pour des gens qui ne s’impliqueront pas. »

« Le fait de payer, ça responsabilise, poursuit-elle. J’ai appris la vraie vie comme ça : trouver un job, payer ses factures, rembourser ses prêts… Alors si des jeunes débarquent à l’université sans connaître ce poids de l’argent, pour moi, ce n’est pas une bonne chose. »

Erin se dit toutefois « curieuse » de voir ce que donnerait cette mesure si Hillary Clinton est élue et applique bel et bien cette proposition. Il faut dire qu’elle signerait probablement l’arrêt de mort des prêts étudiants. Pour des organismes comme la VSAC, cela signifierait se couper des étudiants les plus nécessiteux, et donc, potentiellement, de plusieurs millions de dollars.

Written by Abdourahmane

Je suis Diplômé en Aménagement et Gestion Urbaine en Afrique, Spécialiste en économie urbaine en même tant Reporter et Éditeur au Journal Universitaire. Je suis également un passionné des TIC.

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