La langue arabe, portée par l’Islam, a atteint l’Afrique sahélienne entre le IX ème et le XI ème siècle.
Langue écrite, l’arabe, en plus d’être la langue du Coran, est devenue petit à petit une langue d’enseignement de toutes les disciplines depuis les mathématiques en passant par l’astronomie jusqu’à la théologie. La richesse des bibliothèques à Toumbouctou, plusieurs dizaines de milliers de manuscrits, en atteste.
D’ailleurs après l’invasion de l’Empire Songhaï par le Royaume du Maroc en 1591 plusieurs savants, écrivains et érudits de l’Empire furent exilés pour sédition au Maroc en 1594. Le plus célèbre d’entre eux est le savant et écrivain Ahmed Baba (1556 – 1627) que feu Professeur Iba Der Thiam a vulgarisé la biographie.
L’alphabet arabe africanisé, écriture Adjani, était le support des manuscrits en langue songhaï et pulaar.
Les manuscrits de Tombouctou sont datés entre le XVII ème siècle et le XIX ème siècle.
L’existence de ces dizaines de milliers de documents et de productions scientifiques, mathématiques, littéraires, philosophiques, astromique, théologiques, etc. attestent d’une activité intense de formation, de recherche et de diffusion de la connaissance de niveau universitaire dans toute cette partie de l’ancien Empire du Mali dont les vestiges des mosquées de Djenné, de Gao, de Tombouctou témoignent à la face du monde de l’existence de cette brillante et riche culture intellectuelle.
Certains des aspects de cette société de savants, d’érudits, de littéraires et de théologiens furent relatés dans le « tarikh es Soudan » de Abderrahmane Saadi écrit en 1650.
À l’extrême ouest du Sahel, à Pire au Sénégal, Khaly Amar Fall créa l’Université de Pire Sanexor en 1603. Cette université forma beaucoup d’érudits, de littéraires, de théologiens venant du Sénégal et de l’Afrique sahélienne.
Elle avait une grande bibliothèque avec des manuscrits variés.
L’Université fut brûlée par le Gouverneur de l’Afrique de l’Ouest française Valère en 1864. Les manuscrits de Pire furent enterrés avant la perpétuation de cet acte criminel.
Les écoles coraniques héritières de ces traditions anciennes essaimèrent aux quatre coins du Sénégal, en dehors du système formel de formation établi par le Colonisateur. Cette culture de formation coranique, théologique, philosophique s’est profondément enracinée au Sénégal.
Elle a sans aucun doute favoriser la transcription de nos langues maternelles (particulièrement wolof et pulaar) avec les caractères arabes africanisés.
Petit à petit, les écoles coraniques se sont élargies en instituts et en écoles de formation de niveau collège ou lycée en langue arabe. En l’absence de diplôme nationaux comme le CFEE, le BFEM et le Baccalauréat, ces établissements confessionnels ont noué des partenariats avec des établissements au Maroc, en Algérie, en Égypte et au Soudan, dans un premier temps, puis en Asie, en Arabie Saoudite, au Qatar et même en Irak et en Iran.
Ces accords permettaient à leurs élèves d’obtenir le baccalauréat et d’accéder à l’enseignement supérieur dans ces pays ce qu’ils ne pouvaient pas obtenir dans leur propre pays.
L’enseignement religieux et particulièrement l’enseignement en arabe était marginalisé et les diplômés en arabe peu reconnus.
Pourtant il y a eu d’éminents professeurs d’Université qui ont suivi ce parcours Professeur Mamadou Sangharé éminent professeur de mathématiques, Professeur Mamadou Youry Sall informaticien, Professeur Oumar Demba MBodj mathématicien pour ne citer que quelques universitaires sénégalais de renom dans les domaines scientifiques.
Avec le Président Abdoulaye Wade quelques places furent ouvertes à l’École nationale d’Administration (ENA).
Les Écoles et instituts de formation en langues arabes créèrent des baccalauréats d’établissement et commencèrent des formations de niveau supérieur dans le pays. Face à la cacophonie des attestations d’établissement qui se démultipliaient, les instituts et écoles se réunir dans un Collectif pour la création d’un Baccalauréat arabo-islamique. Ce collectif était présidé par le Directeur général de l’Institut islamique de Dakar.
Le Collectif rencontra les ministres successifs en charge de l’éducation et de l’enseignement supérieur malheureusement sans succès.
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à partir du 29 octobre 2012, je rencontrais avec mes collaborateurs le Collectif en janvier 2013. En conclusion de la rencontre je fixais l’objectif d’organiser la première édition du Baccalauréat arabo-islamique durant l’année scolaire en cours 2012-2013. J’avais convaincu les membres du Collectif à ne pas seulement s’arrêter à un baccalauréat de série littéraire mais de l’ouvrir aussi aux séries scientifiques.
Plus tard, lorsque les premières attestations de baccalauréat étaient remises, le Président du Collectif me confiait que honnêtement, il ne croyait pas à la faisabilité de l’échéance que j’avais fixée.
Après cette réunion, le processus ne fut pas un long fleuve tranquille.
Il fallut plusieurs réunions entre l’Office du Baccalauréat dirigé par Monsieur BABOU Diakham et le ministère pour aboutir au projet de décret portant création du Baccalauréat arabe avec trois séries LAR littératures et civisation arabe, S1AR mathématiques et sciences physiques et S2AR sciences expérimentales.
Je transmettais le projet au Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop Professeur Saliou Ndiaye pour l’adoption du projet de décret par son Assemblée de l’université.
Le Recteur transmis le projet aux facultés pour avis. La Faculté des Lettres souleva le problème du niveau en français du baccalauréat. Il fallut quelques aller-retour pour dissiper les inquiétudes de cette Faculté.
Et l’Assemblée de l’Université Cheikh Anta Diop pouvait statuer et adopter le projet de décret.
Mes services écrivirent le rapport de présentation que je signais et je transmettais le projet de décret au Secrétaire général du Gouvernement pour le Conseil des Ministres qui l’adopta le 1er juillet 2013.
Le Président de la République Monsieur Macky Sall signa ainsi le décret créant le Baccalauréat arabo-islamique.
Ce décret venait de rétablir après plusieurs décennies d’injustice, l’enseignement secondaire arabo-islamique dans ses droits et lui ouvrait les portes de l’enseignement supérieur formel.
Je pris la décision d’organiser la première édition du baccalauréat arabe lors de la session de remplacement du Baccalauréat en octobre 2013. D’ailleurs à l’issue de cette première session, je présidais une cérémonie solennelle de remise symbolique d’attestations du baccalauréat au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Cette étape cruciale et historique franchie, deux questions se posaient :
– l’orientation des bacheliers arabo-islamiques et leur intégration parfaite dans le dispositif existant;
– la motivation des établissements à développer les séries S1AR et S2AR qui n’avaient presque pas de candidats (cette question relevait de l’Éducation nationale).
L’orientation des bacheliers arabes était au début un vrai casse-tête.
Il fallait orienter les bacheliers dans un système d’enseignement supérieur quasiment français et qui ne prévoyait aucune passerelle pour ces nouveaux bacheliers. Nous nous étions appuyés sur deux séries d’établissements d’enseignement supérieur arabe précurseurs.
Les premiers sont les Instituts Al Azhar Centre d’Excellence disséminés à travers le pays qui formaient dans un premier temps au niveau BTS puis Licence avec un niveau très élevé de renforcement en français, en anglais et en informatique.
Ces Centres d’Excellence furent créés par le vénérable Serigne Mame Mor Mourtada Mbacké, un homme de Dieu dont la vie est dédiée l’éducation et à la formation de la jeunesse. Il a aussi créé l’Université Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké qui dispense des enseignements de tous les niveaux.
C’est pour moi l’occasion de rendre un vibrant hommage à ce Saint homme qui a pleinement participé aux plénières d’avril 2013 de la Concertation nationale pour l’Avenir de l’Enseignement supérieur (CNAES). Ses établissement accueillirent un nombre important de bacheliers arabes.
Le second établissement d’enseignement supérieur arabe qui reçu des bacheliers arabes fut le Collège Université Islamique Moderne Aboul Abass (CUIM). Dans son institut post bac, il délivrait des formations BTS, diplôme de technicien supérieur (DTS), Licence et Master.
Le CUIM contribua pleinement à l’accueil des nouveaux bacheliers arabes.
Je tiens aussi à rendre un vibrant hommage aux autorités du CUIM pour leur engagement en faveur de l’enseignement supérieur arabe.
Les prenières années, les universités publiques reçurent aussi des bacheliers arabe qu’ils ont eu du mal à intégrer en raison d’un système pédagogique rigide complètement français.
Le Ministère tira les leçons des difficultés rencontrées et adopta une démarche à court et une autre à long terme.
À court terme le ministère signa des accords avec des établissements privés qui acceptaient de préparer la licence en quatre années avec la première année destinée à relever le niveau de français et d’anglais des bacheliers arabe pour leur permettre ensuite de faire leur licence sans difficulté.
À long terme, le ministère s’était lancé dans l’élaboration du projet de création d’une Université arabo-islamique ( UAI) dont l’objectif était d’assurer des formations de Licence dans tous les domaines en relevant le niveau de français et d’anglais des bacheliers arabe qui, après l’obtention de la Licence, pouvaient aller faire leur Master dans les autres universités publiques.
Dans ce sens le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation établit des accords avec les ministères correspondant du Maroc, de l’Egypte, de la Palestine et de l’Université Al Azhar du Caire en vue de la mise à disposition d’enseignants de langue arabe dans les disciplines notamment scientifiques et techniques.
Ainsi avais-je visité le Maroc et l’Egypte et que je recevais à Dakar mon collègue de Paslestine.
Malheureusement ce projet, comme d’autres, n’a pas connu de suite.
En fait la question de l’orientation des bacheliers arabe doit trouver une solution adéquate qui fasse converger les deux sytème de formation français et arabe vers les objectifs nationaux de formation.
Il faudra beaucoup de volonté politique et d’ouverture pour que l’enseignement supérieur arabo-islamique soit d’égal dignité que l’enseignement supérieur français.
C’est un défi à la portée de notre pays.
Il correspond aussi à la position géostratégique de notre pays à la frontière avec monde arabe. C’est aussi la juste prise en compte de l’histoire de l’éducation dans notre pays et dans l’Afrique sahélienne.
Cette note clôt la série de communications sur le thème : comprendre l’enseignement supérieur. J’espère qu’elles vous ont permis d’approfondir votre connaissance de l’enseignement supérieur et aux nouveaux bacheliers qu’elles ont ouvert des perspectives prometteuses.
Je remercie tous ceux qui sont intervenus pour commenter, compléter, corriger et poser des questions.
Enfin, saisissons-nous des réseaux sociaux pour en faire des espaces de formation, de partage de connaissance et de dialogue sain et serein.
Je vous souhaite une excellente soirée sous la protection divine.
Dakar, mercredi 12 octobre 2022
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