Alors que 62 % des habitants d’Afrique subsaharienne ont encore un accès limité à l’électricité, les nouvelles générations de batteries pourraient jouer un rôle clé. Au point d’en faire un marché d’avenir ?
En Afrique du Sud, premier réseau d’électricité du continent avec 50 GW, le géant public Eskom a dévoilé un ambitieux plan de stockage d’énergie, financé par la BAD et la Banque mondiale. Fondé sur la technologie de la batterie électrique, il a une capacité de 1 400 MWh sur plusieurs sites, quand à ce jour la batterie géante de l’Américain Tesla en Australie – la plus grande centrale de stockage sur batterie lithium-ion au monde – n’atteint que 129 MWh. Ses contours restent cependant très flous.
Alors qu’environ 62 % de la population subsaharienne vit en zone rurale avec un accès limité à l’électricité, l’essor de ce type de programme ouvre de nouvelles perspectives. Car le stockage permet d’améliorer la qualité des réseaux et de restituer l’énergie stockée lors des pics de consommation. Il répond aussi aux problèmes liés à l’intermittence des énergies renouvelables (EnR) : au passage d’un nuage, une centrale solaire peut perdre jusqu’à 80 % de sa puissance. Sans moyen de régulation, leur intégration massive aux mix énergétiques augmente le risque de panne. Au Sénégal, où les EnR représentent 18 % du mix énergétique (30 % prévus en 2030), la Senelec se penche donc sur ce type de solution.
Une industrie portée par l’automobile
« En Afrique, les batteries lithium-ion vont s’imposer comme technologie de stockage d’énergie, car leurs coûts vont continuer de baisser », estime Loïc Charmoille, responsable du développement des projets de stockage en Afrique chez Energy Solutions Wärtsilä.
Une diminution qui va de pair avec celle des prix de l’installation des centrales solaires. D’abord tirée par les besoins d’autonomie des téléphones et des ordinateurs, l’industrialisation des batteries au lithium est aujourd’hui portée par l’automobile et ses véhicules électriques.
Entre 2010 et 2017, le coût d’une capacité de stockage de 1 kWh pour une voiture est passé de 1 000 à 200 dollars. Avec diverses applications possibles dans les systèmes électriques : à travers des centrales de stockage on-grid (sur réseau) ou bien des projets hybrides (intégration de batteries à des centrales solaires, éoliennes ou thermiques) on-grid ou off-grid (hors réseau).
Des financements à améliorer
En 2017, les batteries lithium-ion représentaient 98 % des batteries utilisées pour des nouveaux projets de stockage, selon Bloomberg New Energy Finance. Et les traditionnelles batteries au plomb ont quasi disparu. « Les batteries innovantes sont plus chères mais durent trois à cinq fois plus longtemps et résistent mieux à la chaleur », explique Joël Lelostec, directeur de l’offre d’accès à l’énergie de Schneider Electric, qui a opté pour une batterie sodium-nickel afin d’équiper ses installations off-grid en Afrique. Avec sa filiale ZnR batteries, EDF, leader de l’off-grid en Côte d’Ivoire, développe Zinium, une batterie zinc-air utilisable à 100 % de sa capacité.
Mais « en Afrique, le modèle économique pose encore problème, souligne Mamadou Goumble, vice-président Afrique d’Energy Solutions Wärtsilä. Celui qui stocke l’énergie n’est pas celui qui la produit, celle-ci doit donc être vendue plus cher, en tenant compte de l’investissement du stockage installé ».
Et les mécanismes de financement tels que les contrats d’achat d’électricité, obligeant les États à rémunérer les producteurs indépendants, ne sont pas encore au point.
La Banque mondiale est toutefois confiante. Fin septembre, elle s’est engagée à financer 17,5 GWh de stockage sur batterie d’ici à 2025, soit plus du triple de la capacité existante dans les pays en voie de développement.
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