Le plus âgé des nouveaux bacheliers de la région de Louga (nord), Djiby Diaw, 50 ans, souhaite inciter les plus jeunes à reprendre les études, ceux d’entre eux qui ont abandonné très tôt l’école surtout. Le quinquagénaire, natif de Léona, dans le département de Louga, vient d’obtenir le baccalauréat à un âge où il n’est pas très commun de se présenter à cet examen. Monogame et père de huit enfants dont deux filles, il a obtenu l’entrée en sixième en 1982, avant d’intégrer le collège d’enseignement moyen Massamba-Siga-Diouf, à Louga. Djiby Diaw se présente en 1987 à l’examen du brevet de fin d’études élémentaires, échoue pour la première tentative. L’année blanche de 1988 l’oblige à repasser l’examen qu’il réussit en 1989. Démotivé et découragé par un retard de trois ans, influencé par le phénomène de l’émigration, qui est très à la mode dans cette partie du pays, Djiby Diaw abandonne l’école dès la seconde pour s’expatrier. Il débarque alors en France, en 1990. ‘’J’ai passé sept années très difficiles en France. L’immigration n’est pas faite pour tout le monde. J’en ai souffert, j’ai eu beaucoup de mal à y vivre’’, se souvient-il, amer. Mais le calvaire de M. Diaw est loin de connaître son épilogue une fois son retour au bercail en 1997. Sans emploi, il passe trois années à tenter de se sortir de la galère. Il croit entrevoir le bout du tunnel en fin 2000.
‘’J’ai trouvé du travail durant cette période, grâce aux projets lancés par Abdoulaye Wade, le président de la République de l’époque. J’ai fait des formations en passation des marchés, en gestion financière et en techniques de recherche de partenariats. En 2007, j’ai travaillé pour le projet des villages du millénaire durant sept ans en tant qu’animateur économique’’, dit-il dans un entretien avec l’APS. La maladie le motive à poursuivre ses études, trente ans après… Mais en 2014, Djiby Diaw vit de nouveau des moments pénibles, en proie qu’il est à des douleurs aux jambes, qui ne l’ont toutefois pas empêché de poursuivre ses activités dans un premier moment. Les douleurs s’aggravent en 2017 et l’obligent à se faire aliter. Un malheur ne venant jamais seul, son épouse souffre du même mal et décède en 2019. Avec la disparition de son épouse, il se résout à suivre un traitement à l’hôpital régional Amadou-Sakhir-Mbaye, où on lui diagnostique une coxarthrose bilatérale, une arthrose de la hanche, l’une des arthroses les plus fréquentes. ‘’Je suis allé à l’hôpital Le-Dantec de Dakar pour me faire opérer.
L’opération m’a coûté plus de deux millions de francs CFA pour la seule jambe gauche, qui était plus affectée. Il me reste la jambe droite à soigner, le mal empire’’, dit-il. Après l’intervention chirurgicale, les médecins lui interdisent toute activité physique intense, ce qui l’amène à reprendre ses études durant la convalescence, dans le but d’obtenir le baccalauréat. Trente ans après qu’il a arrêté ses études, Djiby Diaw s’inscrit aux cours privés Emergence de Louga, un lycée privé qui venait juste d’ouvrir ses portes. Réussir pour son propre plaisir Il refuse de faire cas de la réaction de son entourage qui voyait mal son retour en classe. Djiby Diaw s’arme de courage et de détermination pour finalement obtenir le baccalauréat dès la première tentative. ‘’Quand je suis retourné en classe, j’ai trouvé des élèves et des professeurs qui avaient l’âge de mes enfants. Cela n’a pas été facile, mais j’ai su m’intégrer. Dans ma tête, je n’avais pas 50 ans. J’étais juste au milieu de gens qui ont le même âge que moi’’, explique le quinquagénaire.
‘’En classe, je participais activement aux cours. Une fois à la maison, j’étais constamment sur mes cahiers. A mes débuts, mon actuelle épouse n’était pas enthousiaste, mais à la fin, elle m’a compris et m’a soutenu’’, raconte-t-il. Djiby Diaw a obtenu le baccalauréat après les épreuves de rattrapage du second tour. ‘’Je voulais avoir le baccalauréat cette année, pas une autre année. Je suis très fier de moi. S’il faut aller à l’université poursuivre mes études, je le ferai. Mais je préfère faire une formation en gestion de projets, puisque j’ai déjà acquis des compétences dans ce domaine’’, ambitionne-t-il. Servir de modèle aux autres Le plus âgé des nouveaux bacheliers de Louga espère que sa réussite va inciter tous ceux qui ont très tôt abandonné l’école à regagner les bancs. Il y voit de même une source de motivation pour les plus jeunes à poursuivre leurs études. ‘’Il n’y a pas d’âge pour apprendre. Il est possible de le faire à tout moment’’, ajoute M. Diaw, qui invite les autorités à veiller à la bonne qualité des enseignements, surtout à l’école élémentaire. ‘’Aujourd’hui, constate-t-il, le niveau des enseignements a baissé.
J’ai obtenu le baccalauréat sans avoir fait la seconde et la première, parce que j’ai eu un bon niveau.’’ Le natif de Léona sollicite par ailleurs les autorités, souhaitant qu’elles l’aident à poursuivre son traitement médical, à se faire opérer de la jambe droite, qui commence à l’indisposer. Il espère, une fois ses soucis de santé oubliés, poursuivre une formation pour pouvoir travailler le plus rapidement possible. Pour le directeur des cours privés Emergence, Youssou Diop, ‘’le père Diaw’’ est ‘’un homme déterminé, rigoureux, jovial et très assidu en classe, malgré les difficultés de la vie’’. ‘’Il se faisait aider par les autres élèves et professeurs. C’est une fierté pour la commune de Léona. Il a joué aussi le rôle de surveillant à l’école et conseillait ses jeunes camarades. Nous ne sommes pas surpris. Sa réussite doit être sue de la plus haute autorité du pays’’, dit M. Diop. Le doyen des bacheliers sénégalais de cette année a 65 ans. Il a été déclaré admis à l’issue des épreuves du second tour, à Rufisque (ouest).
aps.sn