Malgré l’état d’urgence et ses restrictions, notamment l’interdiction des transports interurbains et interrégionaux de passagers — les marchandises, elles, peuvent passer —, certains chauffeurs de taxis clandos, conducteurs de motos Jakarta et charretiers avaient entrepris de violer allègrement les mesures prises en empruntant des voies de contournement pour transporter leurs clients. D’une circonscription administrative à l’autre. Par exemple, ils faisaient quitter ces clients la ville de Thiès pour les convoyer à Dakar à travers des voies détournées. Dakar-Thiès en est l’axe de tous les passages clandestins. Le voyage en sens inverse était aussi possible ! Ce n’est qu’avant-hier que les autorités compétentes ont pris des mesures adéquates pour verrouiller finalement toutes les « passoires » clandestines…
« Les interdits sont faits pour être contournés » dit un adage. Cela s’est vérifié sur l’axe Thiès-Dakar-Thiès en cette période d’état d’urgence doublé d’un couvre-feu interdisant la circulation interrégionale des personnes. Ce pour éviter la propagation du coronavirus. Pour contourner le dispositif de la gendarmerie en rase campagne entre la capitale et Thiès, par exemple, certains chauffeurs de taxis clandos, conducteurs de motos Jakarta et charretiers irresponsables empruntaient des pistes rurales afin de convoyer des passagers casquant cher pour effectuer le voyage. En toute clandestinité ! Comme le faisaient les contrebandiers face aux « Halte-Douane ».
Informées de ces passages clandestins sur l’axe Dakar-Thiès, les autorités compétentes ont vite réagi ! A cet effet, la police et la gendarmerie, en collaboration avec les notables des villages traversés, ont pris de nouvelles mesures pour non seulement verrouiller les passoires clandestines. En renforçant les check-points notamment. Bien que conscients de violer l’état d’urgence, le jeune Pape Meïssa Diouf et sa bande de copains tentent de se justifier. Ils font partie de ces chauffeurs de taxis « Allo Dakar », conducteurs de moto taxis « Jakarta » et charretiers qui violent la loi en contournant physiquement les interdits et les voies de passages officielles. Tentant de justifier leurs actes délictuels, ils disent n’être « ni des bandits, ni des voleurs, encore moins des trafiquants de chanvre indien, mais d’honnêtes citoyens qui gagnons notre vie à la sueur de notre front pour nourrir nos familles ».
Bien que conscients de s’adonner à un « exercice illégal de transport », et d’encourir de lourdes peines en cas d’arrestation, Pape Meïssa Diouf et ses amis disent cependant avoir décidé de risquer leur vie dans le « transport clandestin » de certains voyageurs entre Dakar et Thiès. L’un de ces contrevenants, M. D., nous confie : « ici, tous les villages sont des voies de contournement. Tu quittes Thiès jusqu’à l’entrée de Pout en passant par le village de Daral Peulh, à l’insu des policiers pointés à l’entrée de la cité du rail, à hauteur de ‘’Tableau Commune’’, avant de virer à gauche pour déboucher sur le village de Landou, tout près du site de recasement construit à l’époque par le président Abdoulaye Wade pour reloger les impactés de l’Aibd. A partir de là, tu contournes Pout pour déboucher sur la route de ‘’Kilomètre 50’’, à quelques encablures de Sébikhotane, dans la région de Dakar, donc, où des bus Tata attendent, non loin de Diamniadio. Aussi bien les charrettes, les mototaxis ‘’Jakarta’’ que quelques taxis ‘’clando’’ se livrent à cet exercice de contournement ». Adama S., chauffeur de taxi «Allo Dakar », de renchérir : « entre Thiès et Dakar on demande 10.000 francs par passager.
Même certains véhicules transportant des denrées alimentaires (riz), qui empruntent la voie normale, embarquent des clients moyennant la somme de 10.000 francs. Souvent ce sont des jeunes des villages de la zone qui nous indiquent les pistes menant à Dakar ». Notre interlocuteur explique qu’ « il y a plusieurs voies de contournement. Tu peux prendre Kilomètre 50 pour passer par Bayakh sur la route de Kayar, jusqu’à Diender, puis Niakhirate, Niagua, Tivaouane Peulh, Keur Massar. De là, tu peux prendre le bus 71 qui va directement à Dakar, en passant par Niary Tally et la route de l’université Cheikh Anta Diop ». A en croire toujours notre chauffeur de taxi « Allo Dakar », « il y a d’autres déviations via un certain nombre de villages sérères, entre Pout et Kilomètre 50, après avoir emprunté la voie Daral Peulhchez Gilbert-usine Dangote. Des raccourcis qui te permettent d’éviter les nombreux barrages des forces de sécurité ».
Braver l’interdiction des voyages interurbains
La particularité dans cette affaire demeure le fait que depuis quelques temps on assiste à une floraison de taxis « jaune-noir » flambant neufs, immatriculés à Thiès, qui, chaque jour que Dieu fait, quittent a cité du rail pour se rendre à Dakar. Les voyageurs qui se lèvent très tôt le matin pour se rendre dans la capitale, moyennant 10.000 francs, n’éprouvent aucune peine pour arriver à destination. Pas le moindre souci devant les forces de sécurité qui sont bien conscients du phénomène mais ne peuvent pas contenir le flux important de véhicules qui quittent tous les matins Thiès pour rallier la capitale. Doudou D., un « taximan » le reconnaît : « je m’en sors bien Al hamdoulilah ».
Au moment où des ‘’Modou-Modou’’ sénégalais empruntent la voie terrestre pour rejoindre le pays en catimini, à Thiès, d’autres compatriotes, bloqués par la mesure d’interdiction du transport « interurbain », ont choisi d’emprunter des voies détournes pour rejoindre leurs familles ». une aubaine pour Cheikh F., un chauffeur clandestin de taxi « Allô Dakar », officiant en temps normal aux abords du stade Lat-Dior de Thiès. La trentaine révolue, il tient à tout prix à poursuivre et à faire fructifier son business pendant cette crise sanitaire. « Je n’ai pas le choix, car je dois nourrir ma famille », argue-t-il.
Sa façon de procéder est simple. « Nous pouvons prendre le départ soit à Dakar ou à Thiès. Nous sommes à la Patte-d’oie, par exemple. Nous cachons nos véhicules à l’intérieur des rues de ce quartier. Et pour effectuer le trajet Dakar-Thiès, chaque passager doit débourser 10 mille francs. Nous prenons ensuite l’autoroute à péage jusqu’à Sébikotane avant de dévier pour faire des détours au niveau des quartiers de Sébi jusqu’au croisement 50, parce qu’il y a un poste de contrôle au niveau de Sébikotane. Le reste du trajet ensuite se fera sur la Route nationale ». Notre interlocuteur se réjoui de n’avoir pas encore été arrêté depuis qu’il enfreint l’interdiction du transport interurbain et interrégional de passagers. Parce que, confie-t-il, « moi, je prends uniquement deux passagers.
D’autres chauffeurs en prennent plus ». De nombreux chauffeurs de taxis «Allô Dakar» informent que « ce phénomène de transport périurbain, très en vogue, a aujourd’hui la préférence d’une large frange des voyageurs en partance pour Dakar, Saint-Louis ou Mbour. Mais malheureusement pour ces « contrebandiers » du transport en commun de voyageurs, les choses ont changé depuis ce mercredi 1er avril. A peine informées, les autorités compétentes ont vite fait de réagir pour prendre les mesures adéquates afin de faire respecter l’interdiction édictée par l’Autorité. C’est ainsi que tous les chefs des villages traversés par les chauffeurs « contourneurs » ont été sensibilisés pour aider les forces de sécurité à renforcer le contrôle des axes routiers, notamment des pistes rurales.
A la clef, des menaces ont été proférées contre les villageois qui se rendraient complices en fermant les yeux. Résultat : plus personne ne parvient plus à user de ces voies de contournement pour transporter des passagers de la région de Thiès à celle de Dakar. On espère que le coronavirus n’aura pas eu l’occasion de se propager pendant tout le temps où les charretiers, chauffeurs de taxis clandos ou « Allo-Dakar » voire de motos Jakarta ont violé en toute insouciance la loi !
Le Témoin