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Entre la France et l’Afrique, l’agroécologie ne connaît pas de frontières

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Les régions françaises participent au développement dans différents pays du continent, à l’image de la Nouvelle-Aquitaine qui soutient plusieurs projets au Bénin et au Sénégal. Une coopération aux bénéfices réciproques.

A Zinder au Niger, les savons et désinfectants des lieux publics sont offerts par le département du Val-de-Marne. A Moundou, au Tchad, c’est la ville de Poitiers qui finance une production locale de masques. Et dans un des quartiers fragiles de Porto-Novo, au Bénin, la communauté d’agglomérations de Cergy-Pontoise s’est concentrée sur l’amélioration de l’accès à l’eau potable… lavage des mains oblige.

L’épisode du Covid-19 met au jour une coopération multiforme et discrète entre des villes ou des territoires hexagonaux et des zones de l’Afrique francophone. Une aide qui se fait à hauteur d’hommes, entre deux territoires, sans passer par les États ou les agences de développement. Si la pandémie les a rendus visibles, ces liens forts existent de longue date et dessinent une coopération décentralisée bien loin d’être anecdotique.

En 2019, 121,5 millions d’euros sont arrivés par cette voie dans les pays du Sud, dont 51,4 en Afrique. Une donnée qui place la France au troisième rang des pays de l’OCDE pour la contribution de ses collectivités au développement.

Mobilisation facilitée

En fait, cette aide intercontinentale entre départements, villes ou régions remonte souvent à plusieurs décennies, amorcée ici par le jumelage de deux villes, là par un parrainage d’établissements scolaires, avant de s’ancrer dans l’histoire des collectivités, et notamment des régions. Sans surprise, chaque entité géographique s’applique en premier lieu à offrir ce qu’elle sait faire. Car, comme on le souligne au ministère des affaires étrangères, « les collectivités territoriales présentent l’avantage de pouvoir mobiliser plus facilement que les Etats les compétences locales utiles à la réussite des projets ». Ainsi, c’est grâce à une relation entre éleveurs de chèvres du Poitou-Charentes et des familles sénégalaises, que s’est structurée une économie locale autour d’un élevage de la région de Diourbel, à l’est de Dakar.

Rien d’étonnant, donc, à ce que la première région agricole en France, la Nouvelle-Aquitaine, avec 100 000 emplois dans le secteur, se soit lancée dans le financement de programmes d’agroécologie en Afrique subsaharienne et à Madagascar. Elle n’est d’ailleurs pas la seule puisque de la Bretagne au Centre-Val de Loire, en passant par l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’agroécologie est aussi plébiscitée par d’autres pour être au cœur de l’aide au développement. Ce qui est d’autant plus en phase avec leurs missions, que les régions françaises se doivent d’« accompagner la transition vers une agriculture multiperformante ». Sur leurs territoires bien sûr, mais aussi vers un continent qui dispose de 1 050 millions d’hectares de terres cultivables (selon la FAO), auxquels les Chinois s’intéressent de très près…

Et ce mouvement ne va pas dans un seul sens. Il peut aussi en retour inspirer les pratiques hexagonales à l’heure où l’on redécouvre que des savoir-faire séculaires peuvent contenir en germe des solutions du XXIIe siècle. « C’est une voie importante à renforcer. L’enjeu est que l’agroécologie permette d’assurer à l’Afrique de subvenir pour tout ou partie de son alimentation à nourrir sa population », insiste Jean-Pierre Fontenelle, agroéconomiste à Bordeaux. Notamment pour éviter que plus de la moitié des personnes sous-alimentées dans le monde en 2030 ne s’y retrouvent, comme les projections les plus noires de la FAO le laissent craindre.

Pour Geneviève Sevrin, directrice générale de Cités unies France, une association qui aide les collectivités dans la définition et le montage des projets de coopération, cette ouverture fait d’ailleurs partie du mandat des élus même si l’injonction politique n’est pas si simple à manier à l’heure de « la raréfaction des moyens », estime la responsable. Au point que pour chaque euro dépensé en faveur de populations autres que celles qui les ont élues, les régions se retrouvent condamnées à l’efficacité. Mais, comme le rappelle aussi Mme Sevrin, il reste acquis qu’« une action internationale va permettre de rayonner ou de nouer de nouvelles solidarités ».

« La France doit beaucoup à l’Afrique »

Créer des liens Nord-Sud, ouvrir son territoire sur le monde en permettant plus d’échanges entre les populations intercontinentales, en élargissant les perspectives des lycéens ou des étudiants, ou des artistes ; aider des régions africaines à trouver des réponses qui leur sont adaptées en termes de développement, autant d’arguments qui sont aussi mis en avant par les régions pour expliquer le volet international de leur politique. Et puis, comme l’analyse la direction du ministère des affaires étrangères en charge de cette diplomatie régionale, leur expertise est aussi de plus en plus sollicitée à l’international, notamment pour conseiller en matière de gouvernance régionale ou d’administration des territoires.

Un des sujets de prédilection d’Alain Rousset, le président de la Nouvelle-Aquitaine. Parce qu’il estime au départ que « la France doit beaucoup à l’Afrique », que l’histoire de sa région s’est construite sur ces relations qui ont fait de Bordeaux, son chef-lieu, un port négrier jusqu’en 1837, Alain Rousset est un fervent défenseur du dialogue avec plusieurs pays du continent africain.

« Peut-être d’une manière inconsciente d’ailleurs, l’action internationale de la région est-elle une manière de regarder en face une question restée longtemps taboue. Mais ce dynamisme tend surtout à permettre à toutes les parties prenantes de raconter l’Afrique d’une manière plus positive et enthousiasmante », insiste René Otayek, directeur de recherche émérite au CNRS et président de l’Institut des Afriques.Et sans oublier que cette aide inscrit aussi la présence de la Nouvelle-Aquitaine dans des zones qui feront le XXIIe siècle.

D’ailleurs, déjà, le solde commercial de la région avec l’Afrique est excédentaire de 574 millions d’euros – quand, sur le plan national, il est déficitaire de 182 millions –, avec comme premier poste d’exportation les produits agricoles. Stratégiques, les petits cailloux posés sur ce continent dont la population est appelée à doubler d’ici à 2050 se révèlent déjà de bons points économiques.

lemonde.fr

Written by Arame

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