Le monde risque de subir « une catastrophe générationnelle » en raison des ravages de la Covid-19 sur l’éducation à travers le monde entier, a rappelé jeudi le Secrétaire général des Nations Unies lors de son intervention à une réunion mondiale en ligne sur l’éducation, organisée par l’UNESCO.
Dans un message vidéo s’adressant aux chefs d’Etats et à la soixantaine de ministres présents, António Guterres a souligné que la pandémie avait eu « un impact disproportionné sur les enfants et les jeunes les plus vulnérables et marginalisés ».
« Les progrès que nous avons réalisés, en particulier pour les filles et les jeunes femmes, sont menacés », a signalé M. Guterres.
Il s’est félicité des efforts déployés par les chefs de gouvernement et ministres pour assister à la rencontre afin d’examiner comment éviter la crise.
« Nous devons maintenant soutenir la reprise de l’apprentissage dans les pays à faible et moyen revenu – et prendre en compte l’éducation dans chaque plan de relance », a déclaré le chef de l’ONU.
Empêcher une catastrophe
M. Guterres a insisté sur l’importance de reconnaître l’éducation comme « un bien commun mondial », afin d’empêcher qu’une catastrophe n’advienne.
« Nous réussirons en investissant dans les personnes le plus à risque d’être laissées pour compte, dans des enseignants formés et respectés, et dans des écoles sûres. Nous réussirons en investissant dans la connectivité et les technologies numériques pour réimaginer l’éducation », a-t-il précisé.
« Le financement et la volonté politique sont critiques », a conclu M. Guterres appelant tous les pays et partenaires internationaux à agir « maintenant et ensemble » pour transformer l’éducation.
Des efforts immenses, mais insuffisants
Au début de la réunion, la Directrice générale de l’UNESCO a fait observer une minute de silence à la mémoire de Samuel Paty, professeur d’histoire à Conflans-Sainte-Honorine, en France, « assassiné en raison de l’enseignement qu’il dispensait ».
24 millions d’enfants pourraient ne jamais retrouver le chemin de l’école
Audrey Azoulay a souligné l’envergure de la crise des systèmes éducatifs qui du jour au lendemain, au printemps dernier, « ont été bouleversés, privant subitement d’école pas moins de 1,6 milliard d’élèves dans le monde ».
« Face à l’urgence, je tiens à saluer l’engagement des gouvernements, des enseignants et de la communauté éducative mondiale, qui ont déployé des efforts immenses, pour répondre à l’urgence et rechercher une continuité pédagogique », s’est félicitée Mme Azoulay.
L’UNESCO, à travers la Coalition mondiale pour l’Éducation et ses 150 partenaires, a fédéré les efforts de tous, notamment en direction des plus vulnérables, a ajouté la Directrice générale.
Mme Azoulay a toutefois regretté que ces efforts demeurent insuffisants. Un tiers des élèves dans le monde n’ont pas eu accès à ces solutions et aujourd’hui plus de 600 millions d’élèves voient encore leurs écoles fermées. Elle a également mis en garde contre l’exacerbation des inégalités et le risque de décrochage scolaire, avec 24 millions d’enfants qui pourraient « ne jamais retrouver le chemin de l’école ».
La cheffe de l’UNESCO a souligné que l’éducation mondiale devait être considérée comme une priorité pour la reprise et une forme d’investissement dans l’avenir, déplorant que moins d’un pour cent des plans de reprise soient alloués à l’éducation ou à la formation.
Si nous n’allouons pas ces fonds maintenant, nous serons confrontés à un avenir plus sombre , a-t-elle affirmé, avertissant que le manque de financement en matière d’éducation pourrait s’élever à 200 milliards de dollars par an pour les pays les moins avancés.
Passer de la parole aux actes
La Vice-Secrétaire générale de l’ONU a fait remarquer que la pandémie de COVID-19 avait clairement mis en évidence « les liens vitaux entre l’éducation, l’alimentation, l’égalité des sexes, la santé et la protection sociale » mais aussi la capacité de « transformation rapide » des systèmes éducatifs.
« Au cours de l’année à venir, les dirigeants politiques des gouvernements nationaux et locaux, les organismes donateurs et les institutions financières doivent veiller à ce que la volonté de soutenir l’éducation soit soutenue par des ressources », a déclaré Amina Mohammed.
Pour « transformer les paroles en actes », Mme Mohammed a mis en avant les domaines prioritaires que sont le financement, l’inclusion, les enseignants, la réouverture d’écoles sûres, la connectivité et la coordination.
Elle a souligné l’importance de la volonté politique, de l’innovation et d’une « collaboration multilatérale efficace » et « une plus grande solidarité avec les pays les plus vulnérables ».
Réimaginer l’éducation
Avant la réunion, l’UNESCO avait entrepris une série de consultations pour rédiger un Projet de Déclaration, appelant entre autres à allouer au moins 4 à 6% du PIB ou 15 à 20% des dépenses publiques à l’éducation ; à combler le fossé numérique et à développer des outils éducatifs digitaux de qualité pour compléter l’apprentissage en face à face.
« La Déclaration que vous avez approuvée, qui s’appuie sur la note d’orientation du Secrétaire général ainsi que sur le livre blanc lancé aujourd’hui, signale votre intention de mettre un terme à ces effets négatifs et d’éviter une catastrophe générationnelle », s’est félicitée Mme Mohammed.
Elle a également appelé à l’innovation, attestant que le retour à la « normalité » n’était « ni possible ni souhaitable » car cela reviendrait à ignorer les « profonds changements » qui se produisent dans les technologies et les marchés du travail à travers le monde.
« La mise en œuvre de cette Déclaration nécessite donc de ré-imaginer l’éducation ; une impulsion spectaculaire pour former des millions d’enseignants… l’intensification des partenariats pour connecter chaque école, enseignant et apprenant à l’Internet ; et… de doter les jeunes des compétences dont ils ont besoin pour s’épanouir dans un monde complexe et en évolution rapide », a expliqué la Vice-Secrétaire générale.
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