Le Sénégal est confronté à un chômage accru dans son ensemble et particulièrement chez les jeunes, qu’ils soient diplômés ou non. Le même discours, les mêmes réalités et plaintes reviennent au niveau des forums et médias : « je suis un jeune diplômé et je suis sans emploi faute de manque d’expérience professionnelle et de débouchés ».
Chaque année ces jeunes se multiplient et n’ont aucune source de revenu. Pour les étudiants, leur piètre bourse les enracine à l’université : « si je quitte l’université je perdrai ma bourse puis je me retrouverai sans aucun revenu ».
Où ira alors ce système à long terme avec une croissance continue du nombre de ces jeunes ? Comment se dessinera alors le lendemain du Sénégal ? Les entreprises privées malgré leurs efforts de recrutement n’arrivent point à absorber cette masse aux potentialités énormes. L’Etat, pour trouver des solutions à cette situation, promeut plusieurs politiques plus ou moins abstraites et certaines stratégies telles que l’auto-emploi. Ce dernier est une bonne stratégie mais n’est pas suffisant car le financement des projets des jeunes n’est pas toujours accessible car ceux-ci sont souvent de mauvais augure à l’égard des établissements financiers et des bailleurs de fonds. Mais, vous l’avez déjà deviné, c’est dans la recherche, l’innovation, la créativité et surtout dans la création réelle de richesse dans le pays qu’on trouvera des solutions tangibles conformes à la société.
Il n’est pas nécessaire d’être un économiste pour savoir que la création de richesse réelle (augmentation de la production de biens et services dans l’économie) engendre une hausse des capacités de production et par conséquent la création d’emploi.
Une idée efficace et réaliste m’a traversé l’esprit. Voulez-vous la partager avec moi ? Sachez alors qu’au Sénégal un moyen efficace et durable pour le développement économique réside dans notre « plat national ». Ne cherchez pas très loin, je parle du « riz au poisson ». En effet, pour aspirer au développement chaque pays doit se référer à ses propres réalités. Si vous séjournez dans ce pays, vous verrez qu’il ne se passe pas un jour sans la consommation de riz pour tous les ménages sur l’ensemble du pays. Cela permet de montrer l’existence d’une demande énorme et permanente en ce bien. Et que peut rêver de mieux une entreprise qui parvient toujours à écouler ses produits ? Malheureusement, presque toute la quantité de riz consommée est importée, ce qui détériore évidemment notre solde commercial et contribue à la croissance de l’économie du reste du monde. Imaginez alors les conséquences économiques si nous parvenions non seulement à produire tout le riz que nous consommons mais également à réaliser des excédents destinés à l’exportation. C’est bien possible dans la mesure où nous disposons déjà les ressources naturelles dans la vallée du fleuve Sénégal, et en Casamance entre autres.
En outre, ce plat s’accompagne d’une grande variété de légumes. L’envergure de la zone des Niayes et les potentialités dont elle regorge en termes de culture maraîchère mérite de se fixer l’objectif de la limitation des importations et d’autosuffisance en légumes indispensables pour la cuisson sénégalaise. Il ne faut pas perdre de vue que cette zone renferme aussi la zone péri-urbaine de Dakar dont les problèmes socio-économiques causés par l’exode rural ne sont plus à démontrer. Là aussi, importe-il alors de valoriser ce secteur en modernisant les zones d’exploitation et les circuits de commercialisation, en promouvant la différenciation des produits par la transformation industrielle, en investissant aussi dans la formation aux techniques agricoles. Il faut dire qu’au Sénégal ce ne sont pas les ressources humaines qui manquent. Nous l’avons en quantité et en qualité à travers la jeunesse.
Suivant cette logique, l’arachide occupe une place importante dans l’agriculture sénégalaise et qui dit arachide pense aussi à l’huile indispensable dans la préparation. A ce niveau, ce sera en même temps l’occasion de booster le secteur industriel par la création d’usines de transformation d’arachide en huile implantées dans les campagnes dans le souci de lutter contre l’exode rural et de réduire le chômage. Même si l’huile d’arachide est fortement controversée à cause du cholestérol il faut mettre dans ce secteur les moyens en investissement et en recherche pour produire au final de l’huile de qualité d’origine purement Sénégalaise. Essayer un instant de deviner la suite : production dans le pays, transformation dans le pays, commercialisation dans le pays et à l’extérieur et consommation dans le pays et à l’extérieur. Et tout cela rime avec emploi, PIB, croissance économique, développement économique et adieu la pauvreté.
Le secteur de la pêche ne doit pas être laissé en rade car le poisson est un des ingrédients en maître dans la préparation même si les produits de la mer sont exposés à une surexploitation non profitable à la société au profit de l’extérieur et à une réglementation des pouvoirs publics. Mais quand même, il faudrait surtout innover ce secteur, valoriser les entreprises déjà existantes, stimuler la recherche pour la transformation des produits halieutiques en renforçant l’industrialisation.
Parlons maintenant de la consommation de pain dans le pays. En effet, le pain a la même dimension que le riz en termes de consommation. Qu’ils soient riches ou pauvres les ménages manifestent de plus en plus une demande accrue en pain. Malheureusement, le pain consommé en masse est à base de farine de blé, donc importé. Pourtant, nous disposons de céréales telles que le mil, le maïs et le sorgho cultivées dans le bassin arachidier. Pourquoi ne pas implanter dans cette zone des usines qui transforment ces céréales en farine traitée pour en rehausser la qualité ?
La population rurale n’aurait plus besoin de migrer vers la capitale grâce à l’agriculture et à l’industrie. La modernité pourrait aussi être décentralisée à travers les infrastructures routières et l’électrification au niveau des campagnes. Il faudrait par ailleurs mettre en place des dispositions (limitation des importations en farine de blé,…) dans l’objectif de pousser les boulangeries locales, les pâtisseries et toutes autres structures utilisant cette matière première au Sénégal à utiliser la farine des céréales locales.
Vous pourriez penser peut-être que c’est de l’utopie ? Ou vous vous dites que c’est impossible ? Votre réaction ne m’étonnerait pas car il faut dire que depuis les indépendances, toutes nos actions donnent l’impression qu’on prend le développement économique du pays pour de l’utopie ou que nous le souhaitons pas du tout, ou bien même que quelque chose nous l’interdit. Je vais donc dire ceci : « dans le marché local ou international on n’achète que ce qui nous arrange en quantité, prix et en qualité. Alors faisons en sorte de produire de la farine en quantité et en qualité grâce à de l’investissement rentabilisé par l’innovation et par la compétitivité ».
Ne perdons pas de vu qu’actuellement le pain à base de céréales locales existe mais avec une faible production traditionnelle où la qualité fait totalement défaut engendrant une consommation trop faible. La substitution du « pain importé » au « pain local » procurera un impact positif dans toute l’économie aussi bien au niveau de la balance commerciale qu’en termes de croissance économique durable et de création d’emploi. La mise en œuvre de tous ces projets et leur réalisation auront beaucoup d’effets favorables à l’économie du Sénégal dans sa globalité. En effet, les entreprises réaliseraient davantage des bénéfices qui pourraient encore être réinvestis. Elles seraient alors obligées de fabriquer des produits de qualité indispensables pour leur exportation. Ce qui augmenterait leur compétitivité, le chômage finirait par se réduire et le niveau de vie de la population serait amélioré grâce aux revenus salariaux.
On a l’habitude de dire qu’au Sénégal si nous voulons accéder au développement, il faut nécessairement des changements de mentalité et de comportements des Sénégalais. C’est bien une réalité et le premier pas est, sans controverses, « la préférence nationale ». Oui ! on nous dira peut-être que nos produits sont de faible qualité et pas du tout compétitifs mais à quand cette synergie entre le privé, le public et les ménages sénégalais pour relever de véritables défis ? L’adage dira « petit à petit l’oiseau fait son nid ».
En définitive, il convient de noter que l’agriculture est véritablement le principal moteur de développement économique du pays. Si aujourd’hui les pouvoirs publics acceptent eux-mêmes la mauvaise gestion des ressources budgétaires et l’inefficacité des investissements publics, certains hommes politiques et acteurs économiques, eux, ont l’habitude de dire qu’il faut « un retour vers l’agriculture » mais ce qu’il faut réellement dire c’est plutôt « une allée vers l’agriculture » car cela n’a jamais eu lieu. La croissance de l’agriculture est au moins deux fois plus efficace pour réduire la pauvreté que n’importe quel autre secteur. Un de mes brillants professeurs, Mr Moustapha Kassé, disait : « le Sénégal importe ce qu’il mange et exporte ce qu’il produit ». N’est-ce pas là un véritable paradoxe ?
Boubacar Petit Thiombane
Etudiant en Master 1 d’Economie, FASEG – UCAD.