Le président Mobutu Sese Seko rêvait d’un grand musée de l’Afrique pour la capitale du Zaïre, Kinshasa, mais c’est finalement le président Joseph. Kabila qui en récoltera le fruit, en 2019: Ce nouveau musée, situé à côté du Parlement de Kinshasa, sera prestigieux.
Les motifs en forme de losange ornant l’extérieur font référence aux palais royaux traditionnels des Kuba, une confédération qui regroupait douze groupes ethniques et qui a prospéré entre les XVIIème et XIXème siècles. On pourra y admirer des dizaines de milliers de masques, sculptures, objets usuels tribaux, objets archéologiques,enregistrements ethnographiques de musique et œuvres d’art modernes. Un joli boost pour la fierté nationale du peuple Congolais.
Vue en plein écran
Dans le bâtiment du musée, photographié en 2011, se trouve une petite salle d’exposition inaugurée en 2010 avec une sélection de la collection de l’IMNC.
Le musée deviendra bientôt l’un des plus importants musées d’Afrique. Mais soulève tout de même quelques questions. «Un projet de musée national est bon pour le patriotisme, mais la population est aujourd’hui tellement appauvrie qu’un musée est sans doute le cadet de ses soucis. Disons-le crûment: quelle est l’utilité d’un musée quand on n’a rien à manger?», s’interroge Sarah Van Beurden, professeur belge d’études africaine
Spécialiste de l’histoire coloniale belge, elle a étudié la genèse des musées (post)coloniaux au Congo et àTervuren. «Bien que le pays soit toujours en crise, un tel musée a aussi une valeur économique: il génère des revenus et attire les touristes.»
Mont Ngaliema
Flashback à la fin des années 60, quand Mobutu (1930-1997) rêvait de son Tervuren.
Des projets qui ont surtout pris de l’ampleur après la visite officielle de Léopold Senghor, président du Sénégal, en 1968.
Celui-ci lui aurait demandé de voir ‘le musée et l’art congolais de réputation mondiale’. Mobutu dut reconnaître à contrecœur qu’il n’en avait pas (encore). Deux ans plus tard, il signe unaccord de collaboration avec le Musée royal de l’Afrique centrale pour ce qui deviendra l’Institut des Musées Nationaux du Congo (IMNC).
Il met à profit le savoir-faire belge: les Belges avaient de l’expérience dans la recherche, la constitution de collections et la politique muséale à Tervuren et, ce, depuis 1910.
Vue en plein écran
Ainsi, en 1970, dans l’attente d’un bâtiment bien à lui, le musée de Kinshasa est provisoirement hébergé dans des infrastructures sur le Mont Ngaliema, une colline qui longe le fleuve Congo et où Mobutu avait fait installer son parc présidentiel avec un zoo.
Jusque-là, le service technique du président se trouvait dans les bâtiments temporaires du musée, entre le théâtre en plein air et les cages d’animaux sur la colline. Ce Mont Ngaliema est un lieu symbolique qui, à l’époque coloniale, s’appelait Mont Stanley: il y’ avait là une statue de l’explorateur qui avait descendu le fleuve Congo pour le compte du roi Léopold II.
Mobutu voulait que son projet muséal n’ait rien à envier en termes de prestige à celui que Léopold II avait fait ériger à Tervuren’. Il fit donc appel à l’architecte belge Henri Puyts, qui acheva les plans en 1971. Ce dernier s’est inspiré de Tervuren et du château de Versailles.
La rue menant au domaine du musée faisait écho à la grandeur de l’avenue de Tervuren à Bruxelles. Le parc devait compter des jardins, des monuments, des fontaines, des avenues, un musée d’histoire naturelle, un zoo ainsi qu’un Musée de l’Afrique avec tout ce qui va de pair: 800 mètres carrés d’espace d’exposition, 500 mètres carrés pour les dioramas, une cafétéria, des laboratoires de recherche et un dépôt pour la grandis-sante collection.
Mais, l’architecte voit ses projets grandioses réduits à néant: Mobutu ne libère pas assez de fonds pour la construction du nouveau bâtiment.
Et les projets furent abandonnés à partir de 1975, quand le Zaïre connaît des problèmes financiers encore plus graves, suite aux nationalisations, à la crise pétrolière et à la corruption.
Si les bâtiments du Mont Ngaliema avaient beau être provisoires, le musée ne pouvait pas se plaindre de son budget de fonctionnement: au début des années 1970, l’industrie du cuivre tourne encore à plein rendement.
De plus, Mobutu injectait beaucoup d’argent dans le fonctionnement du musée (pas dans le bâtiment), parce qu’avec sa politique d’authenticité, il voulait rendre son identité au pays. C’est à cette époque qu’il fonda également le Ballet national et la Bibliothèque nationale.
Les fonds étaient plus que nécessaires, car, lors de la fondation de l’IMNC, il a fallu repartir de zéro en termes de patrimoine. Les collections des anciens petits musées coloniaux étaient, certes, devenues propriété de l’État après l’indépendance, mais la plupart des objets d’art avaient disparu lors des événements des années 1969.
Au début des années 1970, le président sponsorisa des expéditions sur le terrain pour compléter la collection.
Entre 1970 et 1990, elle s’enrichit de 35.000 à 50.000 pièces, dont la plupart furent trouvées lors de 119 expéditions.
A titre de comparaison, Tervuren en possède 125.000. Sous la supervision de l’équipe belge, des explorateurs parcoururent le Congo en quête d’objets d’art.
Comme le prouvent les rares rapports d’expédition, ces voyages furent tout sauf simples.
En 1970, Mobutu Sese-Seko rêvait d’un grand Musée de l’Afrique, inspiré du ‘musée royal de l’Afrique centrale’ à Tervuren et du château de Versailles.
À la recherche d’art ethnique, les équipes sillonnaient le pays à bord des deux Land Rover dont disposait le musée. Mais, vu l’état des routes, elles tombaient tout le temps en panne, parfois pendant des semaines.
Les routes s’avéraient parfois même totalement impraticables et les chercheurs devaient faire demi-tour. Lors d’une mission en 1972, une Land Rover fut immergée et quand elle sortit de l’eau, les centaines de statues et de masques collectés avaient subi des dommages irréparables.
Les enregistrements ethnologiques sonores destinés à la recherche musicologique furent également détruits.
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