Le Sénégal fait face à un déficit alarmant de professionnels du droit, mettant en péril le bon fonctionnement de son système judiciaire et des professions libérales. Actuellement, le pays ne compte que 548 magistrats, dont seulement 414 exercent dans les institutions judiciaires, 471 greffiers, 401 avocats, 91 notaires et 70 huissiers de justice, pour répondre aux besoins de millions de justiciables (18 millions et plus). À titre comparatif, l’on pourrait invoquer la France qui compte 9 000 magistrats, 10 172 greffiers, 74 000 avocats, 16 831 notaires, 3 363 huissier de justice, soit 1 magistrat pour 7 555 personnes (France) contre 43 478 personnes (Séné gal), 1 avocat pour 918 personnes (France) contre 44 887 personnes (Sénégal) et 1 notaire pour 4 040 personnes (France) contre 197 802 personnes (Sénégal).
Pour ainsi illustrer cette situation alarmante : si les 548 magistrats siégeaient au même moment, il y aurait des personnes qui seraient sans avocat, à cause du nombre total d’avocats *(401) *dangereusement inférieur au nombre de magistrats. Une violation injustifiée du droit de la défense !
Malgré cette pénurie criante, les concours d’accès à ces professions restent extrêmement limités, avec à peine une trentaine de recrutements par session voire moins, une situation inacceptable au regard des défis que connaît notre justice.
Ces chiffres, aussi alarmants soient-ils, ne suffisent pas à rendre compte du gouffre dans lequel sont plongés les jeunes diplômés en droit. D’autres professions, prétendument libérales, sont gangrenées par la même opacité. L’embourgeoisement du secteur juridique ne se cache même plus : il s’impose par des barrières infranchissables. Prenons les expertises fiscales, commerciales et en cargaison (maritime, terrestre et aérienne) : sur le papier, elles sont accessibles.
Dans la réalité, elles sont verrouillées. Preuve en est, seuls 71 experts fiscaux, 23 experts commerciaux et 40 experts en cargaison, se partagent ces fonctions aux prérogatives quasi monopolistiques. Et comment y accède-t-on ? Pas de concours, pas d’évaluation neutre. L’entrée en stage dépend du bon vouloir d’un expert en place, qui doit « accepter » le postulant. Mieux encore, en plus d’un diplôme de troisième cycle, il faut justifier d’au moins deux ans d’expérience dans un domaine. Cercle vicieux ou stratégie de caste ?
Le monde universitaire ne semble pas se retirer de ce malaise effarant. Un sous effectif terriblement troublant qui est largement aux marges des exigences sérieuses d’une bonne administration du savoir juridique. Des recrutements exceptionnels qui se font à des délais non controlés et qui se résument à prendre un nombre infiniment faible, 10 dix au maximum. Une bonne politique universitaire se révèle urgente.
Ce sous-effectif a des conséquences graves : allongement des délais judiciaires, surcharge de travail pour les professionnels en exercice, difficultés d’accès au droit pour les citoyens et entrave à l’efficacité de notre système judiciaire. Il est impératif d’adopter une politique d’emploi plus ambitieuse, fondée sur des recrutements de masse et une augmentation significative des postes ouverts aux concours.
Ce qui est encore plus révoltant, c’est que les professions libérales, censées être ouvertes à la concurrence et à l’excellence, fonctionnent en réalité comme des cercles fermés. Elles ne présentent presque aucune opportunité pour les jeunes diplômés méritants, rendant l’accès à ces métiers particulièrement difficile.
En théorie, une profession libérale devrait permettre à toute personne qualifiée, d’exercer librement, en fonction de ses compétences et de ses efforts. Mais dans les faits, ces professions sont devenues des structures verrouillées, où les recrutements se font selon des logiques familiales, claniques ou de cooptation. L’intégration repose davantage sur les relations et les connexions que sur le mérite, ce qui constitue une entrave majeure à l’égalité des chances.
Depuis des décennies, cet état de fait empêche de nombreux talents d’émerger et d’enrichir le secteur juridique sénégalais. Au lieu d’évoluer vers plus de transparence et d’ouverture, ces professions continuent à fonctionner selon des mécanismes opaques, qui excluent une grande partie des jeunes diplômés, malgré la pénurie criante de professionnels dans ces domaines. Cette situation est non seulement injuste, mais elle freine également le développement du droit et de la justice dans notre pays.
Quant aux juristes aspirant à la fonction publique, ils sont soumis à un autre type d’arbitraire. Depuis des décennies, le recrutement au sein des ministères, agences et entreprises publiques, s’opère selon des critères d’allégeance politique. Servir son peuple ? Non. Servir un camp ? Oui. L’alternance de 2024 avait promis d’en finir avec ces pratiques, prônant le mérite et la transparence. Un engagement inscrit noir sur blanc dans le programme électoral. Nous saluons cette ambition, mais l’heure n’est plus aux slogans. Il est temps d’appliquer, sans délai, cette réforme tant attendue. L’instauration de concours généralisés pour recruter les juristes du service public, n’est pas une faveur. C’est une nécessité.
Une réforme profonde est nécessaire pour que ces métiers retrouvent leur vocation première : être accessibles à tous ceux qui ont les compétences requises et non réservés à une élite qui se les accapare, de génération en génération.
Nous, jeunes diplômés et citoyens concernés, exigeons :
1. Une augmentation substantielle du nombre de postes ouverts aux concours de la magistrature, du barreau, du notariat et des huissiers de justice.
2. La mise en place d’un plan de recrutement massif pour combler le déficit structurel qui affaiblit nos institutions judiciaires.
3. Une réforme des politiques d’accès aux professions juridiques, afin de garantir un service judiciaire plus efficace et accessible à tous.
Nous appelons toutes les autorités compétentes à prendre des mesures immédiates pour répondre à cette urgence. Nous invitons également tous les jeunes diplômés et citoyens préoccupés par l’avenir de la justice sénégalaise, à signer cette pétition, afin de faire entendre notre voix et d’exiger une véritable réforme en matière d’emplois juridico-judiciaires.
Ensemble, mobilisons nous pour une justice plus accessible, plus efficace et mieux dotée en ressources humaines ! »