Pour la première fois, un couple d’étoiles a été détecté autour de Sagittarius A*, le trou noir au centre de la Voie lactée. C’est plus généralement le premier duo stellaire découvert autour d’un trou noir supermassif.
Florian Peißker a de quoi être heureux : « Les trous noirs ne sont pas aussi destructeurs que nous le pensions ». En effet, dans une étude publiée aujourd’hui dans Nature Communications, le chercheur de l’université de Cologne (Allemagne) et ses collaborateurs annoncent la découverte d’une étoile binaire autour de Sagittarius A*. Les paires d’étoiles en orbite l’une autour de l’autre ne sont pas rares, mais c’est seulement le premier duo trouvé à proximité d’un trou noir supermassif, en l’occurrence celui situé au centre de notre galaxie, la Voie lactée. Les deux étoiles, séparées de 238 millions de kilomètres (à peine plus que la distance moyenne entre le Soleil et Mars), se tournent autour en 372 jours.
Des chercheurs ont fait cette découverte grâce aux données recueillies avec les instruments Eris et Sinfoni du Très Grand Télescope (Very Large Telescope, VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO). Elle aide à comprendre comment les étoiles survivent dans des environnements où la gravité est extrême, et montre que certaines binaires peuvent brièvement se développer même dans des conditions destructives. Elle pourrait même ouvrir la voie à la détection de planètes à proximité de Sagittarius A* !
Un duo éphémère
Pendant longtemps, les scientifiques ont pensé que l’environnement extrême au voisinage d’un trou noir supermassif empêchait la formation de nouvelles étoiles. Néanmoins, la découverte de multiples jeunes étoiles à proximité de Sagittarius A* a réfuté cette hypothèse. La découverte du système binaire nouvellement baptisé D9 montre maintenant que des astronomes peuvent observer des paires d’étoiles se former dans de telles conditions.
Cette paire, dont les membres ont des masses égales à 2,8 et 0,7 fois celle du Soleil, est cependant un jeunot qui n’existera pas beaucoup plus longtemps sous cette forme : en effet, il est estimé qu’elle n’a qu’environ 2,7 millions d’années et que l’importante force gravitationnelle de Sagittarius A* conduira probablement à la fusion des deux étoiles à l’échelle du prochain million d’années.
Un potentiel éclairage sur les mystérieux « objets G »
Le duo fait partie de l’« amas S », un amas dense d’étoiles et d’autres objets en orbite autour de Sagittarius A*. Au sein de cet amas se trouvent des objets énigmatiques, les « objets G », qui se comportent comme des étoiles, mais ressemblent à des nuages de gaz et de poussière. C’est en observant ces objets que l’équipe a découvert la binarité de D9. Florian Peißker a d’abord pensé que son analyse était erronée, mais il a constaté que le modèle spectroscopique couvrait une quinzaine d’années, et il est apparu clairement qu’il s’agissait en fait de la première binaire observée dans l’amas S.
Ces résultats apportent un nouvel éclairage sur la possible nature des objets G : selon les chercheurs, il pourrait s’agir d’une combinaison d’étoiles binaires qui n’ont pas encore fusionné et de matériaux résiduels provenant d’étoiles déjà fusionnées.
La nature précise de nombreux objets en orbite autour de Sagittarius A*, ainsi que la manière dont ils ont pu se former si près du trou noir supermassif, restent néanmoins un mystère. Gravity+, mise à niveau prochaine de l’instrument Gravity de l’interféromètre du VLT (VLTI), et Metis, instrument du Télescope géant européen (Extremely Large Telescope, ELT), en construction au Chili, pourraient cependant changer la donne. Ces deux installations permettront en effet aux astronomes de faire des observations encore plus détaillées du centre galactique.